Art et Lettre
 
Pensées - I Etude Societe
Accueil Poésies Théâtres Nouvelles Peintures Pensées Contact Autres auteurs

Etude Societe

Un autre modèle de société

Téléchargez le PDF


Table des matières

I Préface

II Analyse sociétale et économique

II.A Analyse sociétale

II.A.1 La composition de la société moderne

II.A.2 Le Pacte Social

II.A.3 L'hyper-classe

II.B Le capitalisme et la dérive financière

II.B.1 L'actionnariat

II.B.2 La privatisation du bien commun

II.B.3 Les marchandises, l'argent, la valorisation

II.C La démocratie et la république

II.C.1 L'État et la Morale

II.C.2 Fonctionnement général de la démocratie

II.C.3 Principe de la Guerre, ultime action économique

II.D L'impact environnemental

III Modèle social et économique

III.A Le « bon vouloir »

III.A.1 Fuir la morale

III.A.2 La volonté, moteur indispensable

III.A.3 L'éducation

III.B La communauté

III.B.1 La participation

III.B.2 L'organisation

III.B.3 Les règles limitatives

III.C Le modèle économique

III.C.1 Le travail, seul élément signifiant d'un citoyen ?

III.C.2 La Bourse et l'Humanité

III.C.3 L'humanité et son environnement

IV L'avenir






Préface


Dans cet essai, je souhaite analyser la Société actuelle, tant dans ses composantes que dans son organisation.


D'un modèle de lutte des classes, je pense nécessaire l'introduction de deux classes, l'une ultra majoritaire, englobant toutes les classes anciennes, l'autre ultra minoritaire, l'hyper-classe, possédant tout, ou tendant à vouloir – ou pouvoir – tout posséder. L'organisation de la société, vue dans un premier temps au travers de l'économie, le capitalisme et le néo-libéralisme, sera analysée également au niveau démocratique. Les impacts sur les différents composants de la société, incluant l'environnement, seront proposés à la réflexion.

Dans un deuxième temps, une proposition d'un autre modèle de société, d'organisation et d'économie sera avancée. Basée sur la notion de « bon vouloir », prenant en compte la faillibilité de l'humain, ne cherchant pas à réaliser une société utopique d'être « saints » mais une organisation régulant et profitant autant que possible des moteurs humains, cette société s'étendrait sur des principes économiques plus réalistes où la notion du temps serait réintroduite, assuré par le « bon vouloir » et intégrant toutes les composantes de l'humanité, et au delà, de l'ensemble de notre environnement.


Il ne s'agit pas d'un monde idéal, mais d'un monde pragmatique où les défauts et les qualités humaines se rencontrent, en essayant de tendre vers un monde plus respectueux des membres de sa propre communauté, et par extension de son environnement, un monde où l'intérêt général est pris en compte, mais également l'intérêt particulier, assurant ainsi le progrès nécessaire à l'évolution de l'humanité et de la vie.


Il ne s'agit pour le moment que d'une première ébauche de ce travail de réflexion, pouvant un jour découler sur des expérimentations pour affiner les règles nécessaires à son bon fonctionnement, et pourquoi pas à sa généralisation. Il est possible aussi que d'autres réflexions viennent un jour remettre en cause tel ou tel élément, mais fondamentalement, il me semble difficile de pouvoir admettre que les notions de temps ou d'humain mis au centre du système soient des variables à renier pour un système plus équilibré et surtout plus pérenne.


Analyse sociétale et économique


Analyse sociétale


Dans un premier temps, il me semble nécessaire de revoir la définition de l'aliénation exposée par les mouvements communistes, associée à la lutte des classes et la définition de la classe prolétaire et par extension les autres classes constituantes de la société moderne, dont le pacte social est sensé être le ciment de nos démocraties.


La composition de la société moderne

La classe prolétaire telle que définie à plusieurs reprises s'oriente autour de la définition des ouvriers, liés à la production de biens, selon une classe où l'intelligence n'est pas un outil a priori, l'aliénation étant liée à la « location » du corps de l'ouvrier au «  patronat », ainsi que l'absence de l'outil de travail en propre à l'ouvrier, cet outil de travail étant propriété de l'entreprise.


L'automatisation par définition tend à faire disparaître au fur et à mesure l'existence même de cette classe. Après plus d'un siècle d'automatisation à outrance, il est évident que cette catégorie n'a pas disparu. Il n'est pas certain que son existence perdure indéfiniment, du moins en tant que forte représentation sociologique. Je ne crois pas à sa disparition, car elle supposerait une automatisation absolue de l'ensemble des moyens de production, ce qui me semble difficile à imaginer compte tenu de la technologie actuelle. Il faudrait en effet investir dans des moyens très évolués permettant de prendre des décisions automatisées selon des phénomènes externes non contrôlables.

Par exemple, concernant l'agriculture ou l'élevage, il faudrait pouvoir prendre en compte des évènements tels que les intempéries, les maladies ou la détection des moments d'intervention (épandage, récolte, naissance, …).


Je pense également que cette classe sociale peut aujourd'hui être étendue à d'autres catégories, telles les métiers de la santé, de l'éducation ou de la police. En effet, les moyens technologiques, si il n'est pas certain qu'ils rendent inutiles la participation humaine, ces moyens tendent à « rentabiliser », au sens optimiser, l'usage de l'humain par une factorisation de ses capacités d'action sur un espace et un temps accrue par l'appui de la technologie. Si la disparition de cette classe me semble à ce jour impossible, elle tend, par la technologie même, à diminuer.

Il en va de même selon moi pour l'ensemble des métiers pouvant être exercés. L'automatisation, l'informatisation, les télécommunications tendent à « optimiser » l'intervention humaine dans l'espace et le temps. Si on peut saluer l'évolution positive de ces technologies tendant à libérer l'homme des tâches ingrates et répétitives, il faut aussi souligner l'absence humaine, voire la déshumanisation de ces métiers, dont la portée négative peut déjà apparaître sous nos yeux pour quelques exemples concrets, mais dont je pense que les effets peuvent être généralisés à d'autres exemples en cours de réalisation.


Ainsi la technologie permet à un enseignant d'enseigner simultanément à des élèves distants géographiquement ou temporellement, et donc de diminuer le nombre d'enseignants dans l'absolu. Si la technologie apporte un plus, notamment pour les enfants en situation d'éloignement (pour des raisons médicales, sociales ou géographiques), elle tend aussi à déshumaniser la relation enseignant – élèves, alors qu'il apparaît clairement que la relation humaine participe clairement à l'apprentissage et la réflexion. Ainsi, regarder une vidéo permet certes d'apprendre de nouvelles notions, mais elle ne permet pas en cas d'incompréhension d'un élément de poser des questions interactives.

On pourrait rétorquer que l'usage d'Internet, via des forums de discussions, devrait permettre de poser ces questions, mais la distance et l'inhumanité du moyen utilisé (texte sur un écran) ne permettent pas d'intégrer les doutes révélés physiquement par un individu, son état d'esprit perçu par nos sens ou notre intuition.

On pourrait m'opposer la vidéo conférence, mais dans ce cas, d'une part, la vidéo conférence ne permet pas de capter l'intégralité des réactions d'un individu (sauf à améliorer la technique, ce qui est possible, comme par exemple une représentation 3D complète de l'individu), mais surtout d'autre part elle contraint alors le professeur à limiter le nombre des élèves ainsi regroupés dans son cours, pour des raisons de limitation d'appréhension d'un groupe d'individus par un seul. La technologie ne peut pas en effet augmenter la capacité d'attention d'un être humain sur des éléments de plus en plus nombreux.


Dit autrement, même avec la technologie, si l'humain doit intervenir de manière réfléchi ou efficace, il est naturellement limité par ses capacités à englober une certaine masse d'information à un instant et sa capacité à y répondre également à un instant. Ainsi, la vidéo conférence viendrait en contradiction avec l'objectif de la technologie qui serait l'optimisation de la ressource humaine principal ici, à savoir le professeur. Néanmoins, il ne faut pas oublier que l'optimisation s'effectue car au lieu d'un professeur par lieu géographiquement dispersé, il pourrait être concentré en un seul lieu (la vidéo conférence), d'où un gain en efficacité sur le plan de l'espace à défaut du temps.


Cet exemple pourrait être étendu à d'autres domaines : le milieu médical où le médecin ferait de la téléconsultation, le milieu social, le milieu commercial (ne voit on pas les premières caissières robotisées où plus aucun humain ne participe à vos courses).


Il n'en reste pas moins que dans la plupart de ces métiers, il reste une distinction qui, il me semble, n'a pas vraiment été abordée jusqu'ici. Si l'ouvrier, le prolétaire tel que décrit dans les manifestes communistes de la fin du XIXème siècle, prête son corps, le loue au profit du « capital », il n'en demeure pas moins que cet ouvrier se retrouve libre une fois son travail effectué, une fois qu'il a pointé, indiquant la fin de son service. Une fois retourné chez lui, l'ouvrier est libre de faire ce qu'il lui plait et certainement pas continuer à travailler pour son employeur puisque la définition de cette catégorie selon les anciens écrits est basée sur la non propriété des moyens de production, ceux-ci étant la propriété du capital. Si aujourd'hui il n'est pas clair que le mot « capital » ne devrait pas être remplacé par un autre mot comme le « financier » par un glissement de la propriété réelle, il est clair par contre que les moyens de productions sont toujours disjoints de la classe sociale ouvrière.


Hors une nouvelle classe est apparue lors de la seconde partie du XXème siècle : le cadre. Celui-ci peut être défini selon moi avec les critères suivants, pouvant découler sur une catégorie plus large que les cadres tel que le bon sens populaire peut le concevoir.

  • Le cadre n'a pas de limitation d'horaire de travail, dans le sens où celui-ci ne pointe pas, même si il est communément admis qu'il ne travaille pas normalement 24 heures sur 24. C'est le premier point qui le rend totalement servile, plus encore que l'ouvrier, puisque il n'a pas de limite dans le temps. La première différence est donc celle d'une non limitation du temps dans son aliénation.

  • Le cadre n'a pas de limitation d'espace, dans le sens où les moyens de production lui sont propres, ou tout du moins rendus indépendants de sa localisation. Le point le plus commun se retrouve dans les métiers où l'esprit, la logique ou le savoir sont les moyens de production. Bien sûr, souvent l'entreprise fournit quelques moyens matériels (téléphone, ordinateur portable) mais sans oublier que ceux-ci sont mobiles ou immatériels (extranet de l'entreprise). Le critère néanmoins est bien sûr la dépendance avec l'entreprise qui l'emploie. Dit autrement, une personne indépendante, sans contrainte extérieure, ne répond pas à ce critère. Attention néanmoins, on peut être juridiquement indépendant (à son compte) et pourtant être totalement soumis à une entreprise (ou un groupe d'entreprises) en terme de travail. Dans ce cas, la notion de cadre est valide. La seconde différence est donc celle d'une propriété des moyens de production, et plus encore de l'absence de restriction géographique à la capacité à utiliser ces moyens, soit une non limitation de l'espace dans son aliénation.


Le cadre d'entreprise, que l'on pensait être il y a 10 ans encore le symbole même de la réussite économique, cet employé modèle, dynamique (souvent jeune et donc peu cher), ce cadre est maintenant le summum de l'esclave. Pour un ouvrier, symboliquement, ce qu'on achète de lui via son salaire (bien plus faible par rapport au cadre il y a 20 ans qu'aujourd'hui), c'est l'usage de son corps. Mais une fois terminé son travail, physiquement harassant et destructeur s'il en est, il est tout de même libre de faire autre chose, de penser ce qu'il veut. Pour le cadre, ce que l'on achète (de moins en moins cher), c'est son cerveau, son intelligence, et ce à toute heure et en tout lieu. Les heures supplémentaires ? Elles lui sont refusées. Le travail à domicile ? L'extension de la zone d'influence de son asservissement à sa zone privée. Mais, et c'est là aussi tout le génie de cette société, là où l'ouvrier avait (et a toujours) de vraies raisons de s'unir dans la lutte, syndicaliste notamment, où cette lutte était par nature rendue possible (proximité géographique, temporelle et des contraintes physiques unanimement subies), le cadre n'a pas cette possibilité.

Le cadre est un être par essence isolé, n'étant pas uni géographiquement (notamment les métiers liés aux conseils ou aux services), ni temporellement (les heures supplémentaires n'existant pas, le pointage n'existant pas, la période de travail n'est pas la même pour l'ensemble des cadres d'une entreprise), ni physiquement – ici potentiellement étendue aux aspects psychique puisque ce n'est pas le corps qui est loué mais l'esprit du cadre – (comment arrêter de travailler puisque son outil de travail est par définition inhérent à sa personne, à savoir sa faculté de penser).


Ainsi le cadre est il soumis à son entreprise sans limitation dans le temps ou dans l'espace. On peut même indiquer que comme son outil de travail principal est son cerveau, il est très vraisemblable que son travail ne quitte pas son esprit, même une fois dans son domicile, dans son lit ou sous la douche. Au même titre qu'un artiste ne s'arrête a priori pas d'être un artiste, un philosophe de penser, un cadre potentiellement n'arrête pas de travailler, qu'il le veuille ou non.


Bien sûr, il est possible de mettre des barrières mentales pour respecter son équilibre, mais ceci n'est pas appris par la société à ses cadres. Elle n'est même pas encouragée, du moins si l'on considère les efforts fournis par l'entreprise en la matière. Il est possible que les entreprises indiquent à ses cadres de limiter l'impact de leur emploi hors le temps et l'espace de l'entreprise, mais combien vont jusqu'à apprendre à leur cadre de le faire ? Est-ce vraiment dans leur intérêt ?


Car si la lutte des classes du type prolétarienne contre le patronat semble un peu dépassé (non pas disparue, mais amoindrie par la diminution intrinsèque de ses représentants), les fondements même décrits dans les écrits relatifs au capitalisme – critiques – sont toujours vrais de nos jours. Il s'agit toujours de l'exploitation de l'homme par l'homme, avec une recherche du profit maximal permanent. Il n'est donc pas dans l'intérêt a priori de l'entreprise que d'apprendre à son cadre à se déconnecter d'elle-même, car quoi de mieux qu'un individu travaillant « pour rien » pour le bien de l'entreprise ?

On pourrait opposer que le salaire est en correspondance avec ces contraintes ? C'est croire que les cadres sont bien l'image d'Épinal que l'on veut toujours nous vendre. Il n'en est rien. Bien sûr il y a les hauts cadres, comme les hauts fonctionnaires (image plus aisée à saisir tant l'exemple est connu), mais combien de cadres, comme de fonctionnaires, pour un seul haut cadre, haut fonctionnaire ? La nouvelle classe sociale en très forte progression est cette classe des cadres, même si elle ne porte pas toujours ce nom, avec les propriétés énoncées ci avant (non limitation dans le temps et dans l'espace, moyens de production propre mais non autonome).


Cette nouvelle classe est l'aliénation – sans doute non ultime car l'imagination de l'homme en la matière est foisonnante – la plus aboutie à ce jour. Son statut donne l'impression d'une plus grande liberté, d'une plus grande autonomie, comme l'épanouissement pour tout individu. C'est un modèle qui est servi à l'humanité depuis plus de 50 ans. La position de cadre est présentée comme envieuse, apportant un niveau de salaire élevé, une plus grande liberté et une richesse dans le travail (ah, là est le fruit gâté que l'on souhaite nous faire avaler). Tout le monde aspire à devenir cadre, puisque présenté comme le modèle d'un statut élevé dans la société, le plus abouti, si on omet le « capitaliste ».


Car la morale aidant, le « capitaliste » est un être « sans scrupule », « sans âme » et totalement « égoïste », ne cherchant que son profit. On pourrait dire que ce « capitaliste » est finalement humain selon le principe que la morale issue de plus de 2000 ans d'histoire tant à refouler des fondements humains naturels...

Bref, il nous est décrit comme un modèle à ne pas suivre, à ne pas atteindre, à éviter, mais néanmoins (ah là encore quelle finesse), à ne pas détruire car c'est lui qui détient les moyens de nous faire atteindre le statut de « cadre ». Sans cet être « immonde », le postulant au statut de cadre ne pourrait obtenir son travail, son poste et son salaire. Sans lui, il ne pourrait pas prouver combien il est performant !


Et oui, car c'est la deuxième partie de la morale, du modèle qui est servi à l'humanité : la performance, être le meilleur, quitte à écraser les autres (mais pas trop, sinon on risquerait de tomber dans la déchéance du « capitaliste »). Il faut apprendre dès le plus jeune âge à être performant :

  • Avoir de bonnes notes ou apprendre un métier, c'est à dire être un élément prouvant que l'on accepte de rentrer dans le moule des besoins sociaux et économiques (les besoins de qui ?).

  • Être obéissant, civilisé, c'est à dire ne surtout pas se révolter devant l'ordre établi (établi par qui ?).

  • Se prêter au jeu des entretiens d'embauche, des compétitions internes ou externes à l'entreprise, au combat de coqs (non, je n'oublie pas les femmes dans cette analyse) dont les visées sont de « progresser » dans la hiérarchie pour obtenir, officiellement, toujours plus de liberté, d'autorité et de plaisir dans le travail, sans oublier le salaire quant il peut suivre.


Cette double sirène, devenir cadre mais pas capitaliste, être performant mais ne pas chercher à détruire l'ordre établi, nous encourage à ne pas chercher à devenir « capitaliste » et à ne pas les remettre en cause.


Alors qu'en y regardant de plus près, ce statut est en fait le plus aliéné, le plus soumis par nature et par construction. Et le plus absurde c'est que l'éducation, qui devait libérer le peuple, la classe ouvrière, a fabriqué un mythe (« devenir cadre est un objectif positif ») où plus d'éducation permet d'atteindre le niveau ultime de cadre, c'est à dire, comme je l'ai indiqué, en fait, le niveau le plus abouti à ce jour de l'aliénation, de l'esclavage.


De par son assujettissement à sa direction patronale (son salaire, ses emprunts, ses enfants qu'il doit nourrir et leur permettre une éducation pour tenter de s'extirper de son statut de dépendance), il s'autocensure et se plie aux décisions, voire s'y soumet avant même que celles-ci soient affirmées. Il n'est pas rare en effet qu'un cadre éprouve le besoin de faire du zèle, d'aller au delà des espérances de son employeur, pour bien faire, et souvent en conduisant à encore plus d'esclavage d'autres individu (ou lui-même).

Là où l'esclave ancien ne se pliait que par la force de la caste dirigeante, via son fouet, l'enfermement ou les contraintes physiques associées à sa famille (la faim, la maladie, le toit), l'esclave moderne se plie par son intellect même. Dit autrement, le comble de la situation est que l'éducation, synonyme pour tout le monde de liberté et d'égalité, d'une évolution souhaitable pour l'humanité, conduit à son insu l'employé à renier de lui même sa liberté et son droit d'expression. Qui oserez s'exprimer devant une injustice évidente au sein de son entreprise, sans craindre d'être licencié et donc d'être hors du champ de ce que l'on nous fait croire comme une zone de protection sociale, ce que l'on nomme généralement le Pacte Social ? Et ceci est rendu d'autant plus difficile que les lieux et les moments où les échanges nécessaires permettraient de réaliser que la situation n'est pas acceptable ou injuste, ces lieux et ces moments n'existent pas pour les « cadres ».


Le Pacte Social

Le Pacte Social est cette « loi » que l'on nous enseigne, qui veut que la Société prendra soin du plus faible, du plus démuni, qu'elle permettra à tous l'éducation et la progression dans l'échelle sociale (on parle également de l'ascenseur social). Cette « loi » est enseignée aussi bien comme une morale, que comme un fondement philosophique immuable, même si parfois il faut admettre qu'on lui torde le coup (mais bien sûr, pour le bien de tous, n'est-ce pas ?).

Ainsi, que l'on remette en cause une des protections de ce pacte, ce sera bien sûr pour la préserver dans le temps ou dans l'espace, et tout le monde d'acquiescer... Que ne ferait on pas comme mal sur la base de principes idéologiques et moraux ! Faire le bien passe parfois dans la communauté humaine par une démultiplication des douleurs et des errances humaines...


Dans ce pacte social, qui peut être sensiblement différent d'un pays à l'autre, présente fondamentalement quelques points communs dans ces différentes applications observables.

Il propose à chacun l'éducation, car l'éducation est une avancée pour l'humanité. Elle l'est aussi pour l'économie car un employé qui sait utiliser son cerveau est plus utile qu'un employé décervelé, puisque une machine peut aisément le remplacer. Hors il faut pouvoir contrôler ce que fait la machine, donc savoir réfléchir. De plus, l'éducation permet d'évoluer, au rythme des nouveaux besoins de la production, de l'économie. A quoi servirait un employé formé pour un travail donné mais incapable d'en apprendre un autre si les raisons de son travail venaient à disparaître ?

Il propose une évolution « potentielle » dans l'échelle des classes ostensiblement affichée, l'ascenseur social. Cet ascenseur est bien limité de nos jours et tendra de plus en plus à se limiter, dans la réalité, mais pas dans le virtuel. En effet, il est amusant de voir comment des métiers devenus de plus en plus simplistes prennent une ampleur d'ego et d'aura disproportionnée, ainsi des métiers de l'information où le travail intellectuel disparaît au profit d'un « copier coller » généralisé depuis les sources officielles, elles-mêmes alimentées selon des principes d'un entonnoir d'annonces ou de nouvelles plus ou moins vérifiées. Cet ascenseur est limité, notamment depuis près de 20 ans suite à la conjonction économique mondialisée (disparition progressive des emplois ouvriers mais aussi à faible nécessité d'éducation), mais également à un renversement du sens de cet ascenseur par les effets du chômage accru, du coût de la vie sur les produits de base (habitation, nourriture).

Il s'appuie sur la mise en place de garde-fous à une révolution, via des peurs déployées massivement auprès de la population (chômage, précarité, maladie, violences, sécurité) ainsi que via des principes moraux et sociaux tendant eux aussi à maintenir le statu quo pour tout le monde, les aliénés d'un côté se pensant libre et éduqués, les aliénants de l'autre perçus comme des êtres maudits mais nécessaires.


Le Pacte Social énoncé est d'autant plus un mirage qu'il faut considérer que tout est fait pour que chacun non plus ne regarde vers le haut comme un espoir d'avenir pour soi ou pour ses enfants, mais regarde vers le bas en priant que ni soi ni ses enfants n'aient à connaître cette déchéance d'être « en fin de droit ». Étonnant mot à bien le considérer : quelqu'un en « fin de droit » est donc quelqu'un à qui on nie les plus élémentaires droits humains et sociaux ? Celui de vivre, de se nourrir, d'avoir un toit ? Puni pour ne pas pouvoir s'intégrer dans cette société... qui ne peut pas intégrer tout le monde. Le taux de chômage ne peut pas baisser, il ne le doit pas car l'existence même du chômage est un atout pour les entreprises car c'est un de ces biais par lesquels elle maintient les employés en situation d'esclavage – la peur de perdre son emploi, de descendre dans l'échelle hiérarchique virtuelle de la société, d'être un individu « en fin de droit ».


Je ne suis pas le premier – ni le dernier – à ainsi analyser ce monde actuel avec les notions d'esclavagisme lié au travail, les notions de peur d'une nouvelle lutte des classes, qui ne serait pas non plus de lutter pour un avenir meilleur de la classe à laquelle on appartient, mais bien de lutter pour que la classe à laquelle on appartient n'ait pas un pire avenir. Le néo libéralisme, le capitalisme, l'individualisme sont des éléments qui conduisent à cette situation où le système politico-médiatico-financier fonctionne comme un seul organe avec une vue unique de maintenir cette hyper-classe, nouvelle classe remplaçant selon le modèle de la classe « capitaliste » définie au XIXème siècle.


La classe haute, définie auparavant selon le principe du « patronat » ou du « capitalisme possédant » ou de la classe issue des grandes écoles et devant gérer les entreprises modernes, y compris la Nation, est elle même devenue en fait une partie de la classe moyenne, se voyant priver de ses droits et de ses biens au profit d'une classe ultra minoritaire mais contrôlant, de manière non consciente pour la plupart, l'ensemble des ressources de ce pays, tant sur le plan financier, politique, médiatique ou de production.


L'hyper-classe

L'hyper-classe est ce groupe d'individus qui possède virtuellement, directement ou indirectement, les moyens de production, d'information, et le pouvoir qu'implique cette possession sur les organes sensés réguler et maintenir le Pacte Social. Cette hyper-classe se situe bien sûr au niveau des banques, des conseils d'administration. Ces entités sont de plus en plus riches et de moins en moins nombreuses, tandis que le reste de la population, les PDG y compris, tend vers la paupérisation.

Lorsque j'écris Banque, je ne parle pas du banquier, employé comme n'importe quel autre employé dans une Entreprise. Je parle de ce groupe d'hommes contrôlant les grands axes de décisions gouvernant les actions menées par cette même banque. Et comme si cela ne suffisait pas que les banques aient les moyens de limiter ou augmenter la croissance d'une entreprise par le biais des prêts qu'elle accorde ou refuse, elles possèdent les fonds des entreprises, les moyens de production via les actions, elles siègent au sein des conseils d'administration. Mais ce serait trop d'honneur que leur faire que de croire que ce sont les banques les coupables. Ce serait oublier bien vite que ce sont les hommes qui siègent dans les conseils d'administration, sans oublier ceux mêmes des banques, qui détiennent le pouvoir et l'argent, ou plus précisément le pouvoir de l'argent.


Comme une caste vivant dans son monde, elle n'a pas intérêt à croître de manière importante. Elle doit au contraire se maintenir dans un petit nombre pour s'assurer du contrôle de l'ensemble des ressources et fonctions de la Société. Que quelque chose lui échappe, et elle tentera de la posséder, de la pervertir ou de la détruire. Il n'est donc pas dans l'intérêt de cette hyper-classe d'accueillir à bras ouverts tous les candidats issus du sérail des cadres. Même les PDG, ces anciens directeurs d'usines, deviennent louches à leurs yeux, trop près de cette population si éloignée d'eux.


Auparavant l'entreprise était au main d'un capitaliste propriétaire, entrepreneur. Il dirigeait réellement son entreprise. Jusqu'au milieu du XXème siècle, il était paternaliste vis à vis de ses ouvriers. Peu importe l'aspect négatif de mise sous tutelle des employés, ceux-ci bénéficiaient tout de même d'une forme de protection sociale (le toit, les magasins de nourritures ou de biens de première nécessité, les services de santé voire même l'éducation des enfants). Bien sûr, l'individu était prisonnier de ce statut, car si il décidait de le quitter (il le pouvait la plupart du temps sur un plan juridique), il perdait par là même l'ensemble des « avantages » ainsi fournis. Mais tout du moins avait il une couverture « sociale » qui lui assurait ses besoins primaires. C'était la nature même du Pacte Social de l'époque.

C'est aussi cette proximité des intérêts immédiats entre les entrepreneurs et les employés qui ont conduit cette hyper-classe naissante à se détacher des entrepreneurs, pour en faire des supers employés, certes très bien rémunérés, mais toujours « cadres » par nature, par extension, des « hyper-cadres ». Bien sûr, tous les entrepreneurs ne sont pas des exclus de l'hyper-classe. Les plus chanceux, devenant riches, deviennent de fait membre de cette classe.


Le système a évolué vers une prise en charge de ces éléments au niveau de la Société. Elle a pris des formes différentes selon les pays et les cultures : dans les états d'Europe, elle a pris une forme majoritairement étatique, notamment en raison de la seconde guerre mondiale et l'incapacité des entreprises ou des particuliers à assumer cette part sociale ; en Amérique, cette prise en charge est partagée entre un système étatique limité et une participation importante du domaine privé (charité, fondations privées multiples), principalement en raison de l'absence de guerre sur le sol américain et la puissance économique qui a permis pendant longtemps de ne pas passer par un modèle étatique. Il est à remarquer que ce modèle tant à s'étatiser également aux USA, ce qui permet sans doute d'identifier plus sûrement un problème économique et social profond dans ce pays, plus profond qu'on ne peut l'identifier de prime à bord, comme nous le verrons plus tard.


Il faut bien comprendre qu'il n'est pas dans l'intérêt économique de l'hyper-classe que les individus soient trop nombreux à être malades, peu instruits, mal nourris. En effet, de tels « citoyens » ne pourraient pas consommer correctement et provoqueraient de nombreux troubles dans la société. Il ne pourrait pas non plus être utile à l'entreprise et donc à la production de valeurs (je remplace volontairement le mot « biens » par « valeurs »), ce qui nuirait aux intérêts de la rentabilité, du profit.


Il n'est pas non plus dans l'intérêt économique que plus aucun individu ne soit malade, peu instruit, mal nourris ou pauvre. En effet, cette classe en difficulté, montrée du doigt, est nécessaire pour faire peur au reste de la population (majoritaire) afin de garder dans une prison mentale cette population majoritaire.


Mais il faut un certain équilibre entre ces deux entités. Trop peu de « pauvres » conduit à un risque diminué et donc un contrôle moins important de la population. Trop de « pauvres » conduit à des dérèglements trop fréquents (révoltes, criminalité) peu propices à une économie de marché. La stabilité sociale participe du profit. Mais les intérêts des uns ne sont pas nécessairement les intérêts des autres, sauf si on arrive à le leur faire croire. Et il est tellement facile d'inculquer une telle croyance lorsque l'on dispose de tous les moyens...



Le capitalisme et la dérive financière

Aujourd'hui, le système se trouve dans une situation pour le moins en apparence sans logique. Le système économique bascule vers un mode de plus en plus financier et non entrepreneuriale. Ce n'est plus le PDG qui possède son entreprise, lui-même en fait employé de sa propre entreprise, mais les actionnaires.


L'actionnariat

Autrefois les actionnaires avaient des parts de la société avec une volonté d'investir dans une entreprise en qui ils croyaient et qui devaient, selon un délai assez long, s'avérer être un investissement profitable.

Aujourd'hui ce modèle est dépassé avec une rapidité des achats d'actions et de leur revente, souvent dans la même journée, n'accordant aucun intérêt à l'entreprise en tant que telle, mais uniquement sur les profits immédiats produits par le court de ses actions. Il ne s'agit plus d'investir dans une société, mais d'investir comme on le ferait sur un tapis de roulette en choisissant un numéro ou une couleur. Hormis que le choix de tel ou tel numéro s'apparente de nos jours en un jeu de roulette russe pour les employés indirectement concernés.


Qu'un investisseur décide d'acheter massivement des actions d'une entreprise, et celle-ci se voit dans l'obligation de se défaire de ses propres moyens de production dans l'urgence, même si ceux-ci étaient bénéficiaires, afin d'obtenir un profit immédiat valorisable pour les actions. Le vice de ce modèle veut qu'une fois que l'entreprise a effectué cette opération de valorisation de ces actions, l'actionnaire se défasse immédiatement de ces actions afin de rentabiliser immédiatement son profit, laissant ainsi la société dans les mains d'un nouvel actionnaire, seule, abandonnée par son dernier mécène. Mais ne craignez rien, le nouveau mécène aura tôt fait de demander le même genre d'opérations destructrices d'emplois. Et quand la société ne le pourra plus, ses actions chuteront, donc l'argent dont elle pourrait disposer s'évanouira également, l'empêchant éventuellement de relancer son économie en investissant.


Depuis l'actionnariat initial, basé sur l'investissement dans une entreprise ou des projets devant être globalement profitable à la communauté, dont les intérêts liés au développement seront la juste récompense de l'actionnaire, la Société a évolué vers un modèle d'actionnariat à courte vue, à une volonté individualiste, égoïste même. La propriété privée avait eu une évolution simultanée qui affirmait l'existence d'une propriété commune (la nation, le bien commun), voire même la notion d'une propriété privée communautaire via le jeu de l'actionnaire participatif à l'évolution du bien privé.

Aujourd'hui il semble bien que cette notion de bien public commun disparaisse au profit du bien privé, et que la notion de bien privé communautaire disparaisse à son tour au profit d'un bien privé égocentrique, hors l'objet lui même de la propriété mais uniquement sa valeur, temporelle, immédiate. L'humain disparaît de cette équation sociétale, économique qui assurait a priori une évolution profitable au plus grand nombre. Elle tend vers l'intérêt privé, ultra concentré sur une catégorie limité d'individus, l'hyper-classe.


Aucun pan de notre société démocratique et à tendance « égalitaire », ou plutôt à tendance communautaire, au sens où celle-ci tendait à l'amélioration générale de la vie de ses membres, aucun pan n'est donc exclu de cette privatisation, cette privation de l'intérêt commun, du bien commun.


La privatisation du bien commun

Le système social, la couverture sociale se trouve à son tour soumis aux sirènes du financier. Il s'agit pour le moment de retirer l'empreinte de l'État de ce périmètre au profit de sociétés privées. Mais ne doutez pas, ces sociétés seront à leur tour soumise aux lois de la finance, ce qui conduira inévitablement à une diminution de cette couverture sociale. Et c'est là où le système peut devenir instable, car la classe moyenne (dont les cadres et les ouvriers font partie) ne regarde plus vers le haut en tant qu'aspiration légitime à progresser dans la hiérarchie sociale, mais regarde dorénavant vers le bas, avec crainte, ne souhaitant pas tomber dans la zone de « non droit » que constitue les chômeurs, les pauvres et autres exclus de la société.


Les privatisations des services de santé, des services liés au retour à l'emploi, de l'éducation, des impôts, de la police tendent tous vers cette libéralisation, appelée aussi le néo-libéralisme.


Ainsi la couverture sociale tend à disparaître, mettant ainsi en danger les équilibres sociologiques entre la classe possédante, l'hyper-classe, ultra minoritaire car limitée aux financiers, et le reste de la classe dite moyenne, haute et même basse. Il n'y a plus fondamentalement de différences entre les trois classes issues du XIXème siècle. L'éducation a diminué les différences, et la création de cette pseudo classe moyenne ou haute que sont les « cadres », a conduit à un rapprochement de fait des contraintes qui pèsent sur l'ensemble de la population : pouvoir d'achat en baisse, aucune perspective d'amélioration ni pour soi ni pour ses enfants, peur de chuter plus bas pour soi ou pour ses enfants. Ajouter à cela, comme décrit avant que les « cadres » me semblent être les esclaves les plus aboutis de notre époque, les plus dociles et pourtant les plus trompés, et vous obtenez une situation où la stabilité sociale est remise en cause, ce qui semble contraire aux intérêts du libéralisme.


La couverture sociale, ou le pacte social par extension, tend à sa privatisation, non pas dans l'intérêt du général, mais dans l'intérêt du particulier. Qu'on ne croit pas que la morale ou la réflexion puisse y changer quelque chose, car cela supposerait que l'hyper-classe agisse de manière réfléchie en ayant conscience des conséquences de leurs actes. Il n'en est rien, leur mode de vie, leur vie tournée sur eux-mêmes ne leur permet pas de pouvoir imaginer que ce qui est bon pour eux ne l'est peut être pas pour d'autres. Il n'y a aucun mal à faire du profit, il n'y a aucun mal à augmenter ce profit, même si celui-ci passe par la diminution de la qualité de vie d'autres individus qu'ils ne connaissent pas. Ce que l'on ne connaît pas n'existe pas.


Ainsi le « bien » commun devient une marchandise comme une autre, potentiellement source d'intérêts, voire même d'énormes intérêts financiers. Faire payer la qualité de vie (l'éducation, la sécurité, la santé, la nourriture ou le logement) de plus en plus cher, tout en proposant des versions aux rabais pour la tranche de population démunie est une façon de s'assurer une rente absolue. En effet, tout un chacun voudra bénéficier des versions évoluées autant que possible, pour assurer son bien être, ou à défaut son mieux être. Il sera prêt à payer pour obtenir ces services « avantageux » et comprendra même que les plus pauvres ne puissent pas y accéder, puisque il lui sera présenté que tout le monde ne peut pas y accéder pour des raisons de coût, de capacité de production ou tout autre considération justifiant que lui, pour y accéder, doivent participer financièrement à son fonctionnement. Néanmoins, pour lui assurer une paix intérieure compatible avec la « morale », on lui assurera que les plus pauvres bénéficieront d'un système certes inférieur en qualité mais néanmoins acceptable (presque rien est mieux que rien du tout).


Mais comment rendre rentable ce système ? Les plus pauvres pouvant devenir de plus en plus nombreux ? Il faut leur donner accès, par pallier, à ces services évolués, en leur proposant des systèmes financiers avantageux, des prêts ou des réductions d'impôts. Peu importe, soit le système privé y gagne immédiatement (le prêt), soit il y gagne parce que c'est la communauté qui le paye (l'impôt), et en particulier la classe unique, tout le monde, à l'exception notable de l'hyper-classe bien sûr.


La pauvreté est un marché infaillible, plein d'avenirs. L'absence de moyens permet de proposer des prêts adaptés, dont les taux d'intérêts seront supérieurs à la moyenne (risque oblige). Certes les montants seront faibles unitairement, mais leur nombre permet d'entrevoir une masse financière (et donc de gains) très importante. Ces prêts ont pour conséquence de rendre prisonnier cette classe emprunteuse du système dont elle devient dépendante pour maintenir sa capacité à rembourser. Elle ne peut plus se débarrasser de ce prêt ou de ce train de vie, et acceptera de plus en plus de contraintes pour conserver ce qu'elle peut encore conserver...


Les marchandises, l'argent, la valorisation

Un autre élément vient compléter ce tableau déjà bien maladif, c'est celui de la théorie économique actuelle dominante, nommée généralement néo-libéralisme, qui tend en apparence à libéraliser les échanges (commerciaux bien sûr). La mondialisation des moyens de production, l'hypermarché mondial nous sont présentés comme une merveilleuse invention de l'homme, l'aboutissement de milliers d'années d'évolutions. Mais à y regarder de plus près, est-ce bien les échanges de biens qui sont aujourd'hui en jeu ?


Si l'on considère que cette hyper-classe a pour objectif le profit, ou plus exactement la détention du pouvoir de l'argent, car la possession de cet argent n'est que fugacité, en avoir le pouvoir est beaucoup plus intéressant, ne serait il pas plus plausible que ce libéralisme soit celui des échanges de capitaux ? Mais il faut même aller plus loin, il serait l'extension à l'ensemble de la planète des possibilités offertes par le pouvoir de l'argent. Comment ?


Je ne vais pas faire un cours d'économie, d'autres que moi seront plus efficaces. Mais je vous invite à vous pencher sur le principe de « l'Argent dette ». Cette théorie, qui n'en est pas une car elle est réalité depuis plus de quatre siècles, peut se présenter comme suit.

Au début, lorsque l'on prêtait de l'argent, on ne pouvait prêter que sur la base de ce que l'on possédait, pas plus. Puis, les dépôts d'autres personnes arrivant dans le coffre du prêteur, celui-ci a ensuite prêté sur la base de l'argent disponible dans son coffre, que cet argent soit ou non à lui, considérant que tous ses clients ne viendraient pas vider son coffre soudainement et simultanément.

Troisième étape, il lui vient l'idée de prêter plus qu'il n'a dans son coffre, puisque d'une part, personne ne sait combien il a, d'autre part ses clients s'échangent ses lettres de crédits en lieu et place de l'argent en pièces sonnantes et trébuchantes. Modulo quelques aléas de l'histoire (quelques banqueroutes), le système a intégré une certaine limite entre ce que le banquier possède en propre et ce qu'il peut prêter (un facteur variant de 10 à 20).

Mais à chaque fois que ce banquier accorde un prêt, il applique un taux d'intérêts. Immédiatement, ce taux crée de l'argent virtuellement, basé sur rien, car les frais de la banque seront couverts par des frais bancaires, et l'emprunteur finira bien (en majorité) par rembourser son prêt ainsi que ses intérêts.

Cet argent servant à son tour à acheter quelque chose à quelqu'un, il est alors reversé dans une banque (la même ou une autre, peu importe puisque les banques sont liées), permettant ainsi à cette banque de prêter 10 fois cette somme déjà empruntée.


Ce raisonnement conduit à une courbe exponentielle de croissance de l'argent, lié essentiellement au taux d'intérêts. Quelques soubresauts sont apparus dans l'histoire économique, notamment lorsque l'on s'est aperçu que l'argent indexé sur le métal (or, argent, autres...) n'était plus en correspondance avec l'argent ainsi créé. On ne trouvait pas assez de matières précieuses pour continuer à indexer la valeur de l'argent sur ceux-ci. Ceci a conduit à la création de l'argent fiduciaire, garantie par l'État.


Comment l'État garantie cet argent ? Via une banque centrale, qui garantie les banques privées sur leurs fonds propres et par la possibilité de créer en imprimant si nécessaire des billets d'argent frais. Mais la création d'argent est maintenant quasiment et essentiellement dans le domaine des banques et non de l'État.


A ceci, il faut y ajouter la Bourse qui amplifie encore ce phénomène, puisque les actions s'échangent très rapidement, produisant des plus-values immédiates, et donc une création d'argent immédiate également. Considérant que maintenant à la Bourse, les produits les plus avantageux financièrement sont les produits financiers eux-mêmes, c'est à dire des titres qui s'échangent à prix d'or et qui ne portent sur rien d'autre que l'argent lui même.


Mais il reste encore un garde-fou. L'argent serait une représentation de l'économie et de son taux de croissance. Hélas, le taux de croissance est calculé par rapport à l'année passée et non par rapport à une valeur donnée et fixée pour toujours. Sachant que les financiers n'aiment rien tant que les taux d'intérêts au pire constants, au mieux croissants, il s'en suit que même avec un taux de croissance stable, il s'agit en fait d'un taux à croissance de plus en plus rapide. Si l'économie vaut 100 en première année, en année 2 elle vaut 103 avec un taux de 3%, en année 3 elle vaut 106,09 et non 106, et ainsi de suite, c'est à dire une croissance exponentielle.

Hors, le taux de croissance est calculé sur l'économie réelle, et non l'économie virtuelle des échanges interbancaires. Une économie réelle basée sur un taux de croissance exponentielle ne peut être qu'une illusion et conduire au désastre. Ce désastre annoncé provoquera des troubles sociaux majeurs.


L'argent n'est donc plus associé à des marchandises, des biens, dont la croissance ne suit pas la création de l'argent. Si au début la croissance pouvait éventuellement suivre le rythme de l'argent dette, il est clair qu’aujourd’hui la croissance n'est plus exponentielle et ne peut pas l'être dans la durée. Il apparaît également que la création monétaire est d'une croissance bien supérieure à la croissance de l'économie réelle, prouvant ainsi sa non correspondance dans les faits, venant affirmer la non correspondance sur le plan théorique de leur croissance respective, l'une étant limitée (la réalité), l'autre non (la valeur monétaire). L'argent n'est pas plus lié non plus à des valeurs ou des capacités de mobilisation d'une nation ou d'un groupe de nations regroupées autour d'une monnaie, puisque cette création est exponentielle, ce que n'est pas la nation. L'argent n'a pas de valeur, l'argent est l'argent. Mieux, l'argent engendre encore plus d'argent, et de façon exponentielle et autonome.

Mais si cet argent n'avait aucun impact sur la réalité, cela n'aurait aucune importance, tout comme en mathématiques la suite des nombres entiers est infinie, elle n'empêche pas un individu de les appréhender et d'utiliser ces nombres pour calculer le nombre de pommes qu'il désire acheter. L'argent, parce qu'il sert à échanger avec les autres cette valeur contre à manger, un toit, des vêtements, des activités..., cet argent est connecté au réel. Qui possède la production de cet argent, et non plus la production de marchandise comme au XIXème siècle, possède le pouvoir. Il ne s'agit pas de posséder de l'argent uniquement (encore que sa possession entraîne par le jeu des taux d'intérêts un accroissement plus que satisfaisant), il s'agit pour cette hyper-classe de posséder les moyens de création de cet argent. L'argent n'a pas besoin de la production pour exister, il n'a besoin que de sa représentation virtuelle, monétaire.

Peu importe que ces moyens soient virtuels, totalement déconnectés de la réalité ! Et même mieux, il est préférable que ces moyens ne soient pas concrets, car alors la courbe exponentielle est possible et donne encore plus de pouvoir.

L'argent se suffit à lui même et tend à prendre le contrôle de la réalité par cette absurdité qu'il n'est pas réel.


Le libéralisme prétend que la concurrence est aussi le moyen d'assurer une progression de l'humanité au profit du plus grand nombre. Mais qu'observe-t-on ? Là où la concurrence faisait rage, avec dans un premier temps une lutte entre différents entrepreneurs ou financiers, la financiarisation du système tend à rendre unique, concentré les moyens de production, tout comme les moyens financiers. Lorsque deux entreprises sont en concurrence apparente, il n'en est plus rien car les possédants, les décideurs sont les mêmes, et ne s'en cachent même plus. Le conseil d'administration accueille parmi ses membres des dirigeants d'autres sociétés dites concurrentes, elles-mêmes permettant la situation inverse. En effet, si la classe dirigeante n'est plus les entrepreneurs mais cette hyper-classe possédant les moyens financiers, et donc les moyens de production, cette hyper-classe aura tout intérêt à posséder les différentes entreprises en concurrence afin de s'assurer dans tous les cas de figure le maximum de profit. Les ententes n'ont même pas besoin de se faire de gré à gré entre les conseils d'administration, puisque les membres sont... les mêmes.


Ainsi les situations monopolistiques se développent de plus en plus, rendant ainsi certain la position financièrement dominante. Et quand ce n'est pas acceptable, pour des raisons de communications plus difficiles envers la population, alors on assiste à un simulacre de concurrence, où l'entente tacite est la règle. Qu'un nouvel acteur intervienne, et il sera en fait réduit à une fausse concurrence puisque les fonds qui lui sont nécessaire à son développement seront issus des mêmes possédants. Dans le meilleur des cas, les anciennes industries, dépassées technologiquement ou socialement, se verront contraintes de mourir, de fermer face à un gouffre financier (le surendettement de l'entreprise). Les profits sont ils diminués ? Non car d'une part les intérêts de la dette de l'entreprise créent de la richesse, et d'autre part le concurrent qui devient à son tour dominant, parce qu'il avait moins de freins idéologiques ou historiques, fait à son tour des bénéfices, dont la finalité de possession est cette même classe, l'hyper-classe.


Ainsi d'une situation où l'on prônait la libre concurrence, dans l'intérêt même de la société et de son progrès, cette libre concurrence s'est transformée en libre monopole, avec de temps en temps une évolution nécessaire au profit, la mise en place d'une concurrence toujours plus violente et carnassière, utilisant les licenciements massifs et la dévaluation des hommes qui composaient l'ancienne entreprise comme source additionnelle de profits. L'outil sensé permettre une évolution positive pour la Société, la concurrence, avait pour base le fait que l'entreprise avait une durée d'existence bien supérieure à l'être humain, et que de ce fait elle assurait une stabilité et une croissance de l'humanité. En effet, sur cette hypothèse, l'entreprise ne devait pas s'effondrer car elle engendrerait le chaos social. Elle devait évoluer, tout comme un organisme vivant, pour s'adapter à son milieu et ainsi continuer à faire profiter les cellules la composant (les employés). Mais avec la financiarisation, cette hypothèse est caduque car une entreprise n'a d'existence que tant qu'elle est rentable, ou plus exactement que tant qu'une autre entreprise ne prenne pas sa place. Si la propriété était disjointe, on pourrait penser que les dirigeants de l'entreprise menacée feraient tout pour la maintenir, la « sauver », mais comme ceux-ci sont également propriétaires de l'autre, la concurrence, ils n'ont pas plus d'intérêts dans l'une ou l'autre.

Et là, les arguments d'autrefois qui consistaient à « sauvegarder » la vie d'une entreprise (en particulier ses employés) sont maintenant détournés pour « sauvegarder » les profits des possédants. Si pour cela, il faut en passer par le licenciement massif, et alors ? Moins de salaires, plus d'argent dans les caisses ! L'entreprise n'est plus capable d'honorer ses commandes, une autre prend sa place, une autre qui est déjà affiliée financièrement avec l'hyper-classe, les profits continuant à couler dans les mêmes centres d'intérêts. L'entreprise n'est plus capable de payer ses dettes, on licencie, on déménage ses moyens de production vers des sites à bas revenus, réduisant ainsi l'effort pour rembourse la dette, non pas au profit de la durabilité de l'entreprise, mais au profit de la plus-value immédiate.

Ainsi, il est compréhensible que la libre concurrence n'existe plus que comme un moyen fictif d'aboutir à encore plus de profits. Elle ne constitue plus le contre poids au monopole, puisque celui-ci est actuellement en place par le biais du financier. Le néo libéralisme ne tend pas à favoriser la concurrence mais à favoriser la généralisation de la main mise sur les derniers bastions non financiarisés, le bien commun, le pacte social.


Jusqu'à quand ce système absurde va-t-il pouvoir tenir ? Jusqu'à quand l'irréel va-t-il conserver le contrôle sur la réalité ?


Il serait sans doute utile d'étudier pourquoi le libéralisme ne semble pas affolé par cette montée d'une instabilité sociale. Est-ce en raison du contrôle des forces armées, financières et de productions ? Est-ce même un objectif en soi car l'instabilité produit certes des troubles, mais elle entraîne aussi un boom économique (après chaque guerre ou révolte, un boom économique est constatée dans l'histoire de l'humanité) ?


Se pourrait il que cette crise apporte en définitive plus de profits à cette hyper-classe que l'absence de crise, au risque de diminuer momentanément le nombre des individus dans chacune des deux grands groupes, de ramener la cotation de l'argent par à-coup à la valeur réelle de l'économie de la Société ?



La démocratie et la république

Dans ce contexte, il est légitime de se demander si la démocratie, et par extension son modèle républicain, est toujours aussi fonctionnel et efficace dans le sens des valeurs qui en fond son fondement. L'humain est-il toujours au centre des intérêts fondamentaux de nos systèmes politiques et organisationnels ?

L'État et la Morale

Puisque l'État participe grandement dans la stabilité des profits exponentiels de l'hyper-classe, que ce soit en garantissant les fonds bancaires par la banque centrale, en éduquant les membres de la société afin de les rendre utiles mais aussi dociles face au système, en assurant un Pacte Social minimal pour éviter les débordements sociaux (tout en vendant ce qui peut l'être dans un but profitable, mais pas celui de la communauté), en votant des lois plus ou moins complaisantes envers cette hyper-classe, stigmatisant les pauvres, mais relaxant les cols blancs.

Cette coïncidence des intérêts ne peut pas être le simple fruit du hasard. Une Société fondée sur des idéaux démocratiques ne peut pas à ce point ignorer le bien être de la majorité de sa population.



En fait, le pouvoir, sous toutes ses formes étatiques comme le politique, le judiciaire, l'éducation, se soucie effectivement du bien être de sa population, mais pas de son mieux être. Elle se soucie que ce peuple ait à manger, un toit, un spectacle, et autant que possible ait la peur d'un groupe désigné coupable de tous les maux. Après tout, pour prendre une image provocatrice, l'éleveur de bétail ne souhaite pas que son troupeau soit malade. Il souhaite que ses bêtes soient en bonne santé, qu'elles produisent de la bonne viande, car à la fin, elles mourront d'avoir été en bonne santé. C'est leur destinée.

En est-il différemment avec les hommes dans une démocratie, une république ? En quoi le pouvoir en place de nos jours (et avant) n'a-t-il pas eu comme autre objectif que de se maintenir et de servir ceux qui peuvent l'aider à se maintenir. Et qui mieux que cette hyper-classe pour permettre à ces hommes politiques de se maintenir. En font-ils eux mêmes partis ? Rien n'est moins sûr car, tout comme les directeurs d'usines, ils ne sont pas appelés à posséder le pouvoir de l'argent. Il est en effet contradictoire d'être en politique, visible, au centre de toutes les attentions et en même temps l'un de ceux que l'on désigne comme les « maudits » de notre système. Agir dans l'ombre et la lumière semble bien incompatible. Mais je ne suis pas certain non plus que cette hyper-classe ne prenne pas goût au pouvoir au point d'embrasser y compris réellement le pouvoir politique, et pas uniquement de l'assujettir, de le rendre docile à ses ordres monétaires.



Et comme le pouvoir de l'argent quitte difficilement les mains une fois qu'elles y ont goûté, il est donc inévitable que les individus cherchent à conserver le pouvoir politique le plus longtemps possible, en s'associant avec ceux qui peuvent les y aider. Je ne dis pas « tous pourris », ce n'est pas mon idée. Je pense même que les politiques pour un grand nombre pensent agir pour le bien supérieur de l'humanité, des valeurs morales et le progrès social. Mais quelles sont ces valeurs morales, ces propriétés supérieures, énoncées comme telles ? Mais surtout, il faudrait chercher qui les a décrites et dispensées. Quand bien même ses valeurs peuvent passer pour un progrès pour l'humanité, il semblerait aussi qu'elles tendent à favoriser systématiquement les mêmes individus, cette hyper-classe.

Comment alors simultanément avoir une réelle démocratie et une déviance des intérêts ou des valeurs au profit de cette hyper-classe qui ne peut ignorer son pouvoir, ou du moins, si elle l'ignore, elle ne peut empêcher les politiques d'agir selon les intérêts de celle-ci, tout comme un employé modèle anticiperait des ordres qui ne seraient jamais venus de sa hiérarchie ?

Fonctionnement général de la démocratie

La démocratie s'entoure généralement d'une vision moraliste, ou à défaut philosophique minimale qui tend à penser le système comme servant l'être humain en général. L'objectif officiel est le bien du plus grand nombre, l'évolution vers une société où l'humain progresse vers une qualité de vie, tant physique que spirituelle, souhaitable pour tous et par tous. Hélas, les éléments que j'ai décrit jusqu'ici tendent à indiquer que le système est détourné de ses objectifs primaires, au profit d'un ensemble ultra-limité de personnes, cette hyper-classe. Cet ensemble n'est sans doute même pas conscient des effets contre productifs aux objectifs affichés de nos démocraties. La république y est détournée allègrement, par un jeu de lobby, de pression, d'intérêts communs entre les différentes composantes de cette hyper-classe, sans que personne ne puisse rien dire car rien d'illégal n'est effectué. Et si par hasard un élément devient par nature trop gros pour être accepté comme tel, les arguments pleuvront alors pour nous démontrer l'intérêt finalement commun de cette mesure, de cette décision, ou au pire comme un élément indissociable de la liberté fondamentale d'entreprendre et de faire du profit.

La morale devient alors le porte drapeaux d'intérêts particuliers, présentés soient comme une fatalité de la libre entreprise, une conséquence des coûts induits si aucune modification n'y était associée, allant même jusqu'à dire que la possibilité d'évolution est la réforme proposée, même si pour cela il faut ignorer que d'autres réformes peuvent exister. La morale au pouvoir, celle de l'individualisme, ou tout du moins du corporatisme de l'hyper-classe, devient l'étalon du maître à penser, du maître à agir. Que quelqu'un s'en éloigne, et il sera inévitablement placé en dehors de la société, non protégé, voire même poursuivi, niant ainsi la plus élémentaire des valeurs humaines a priori, la liberté de penser. Tout le fonctionnement démocratique et républicain prend alors un axe compatible avec ces valeurs ou morales de l'hyper-classe.

La démocratie se retrouve ainsi biaisée, et c'est un simulacre auquel nous assistons tous les jours. Celui-ci est convaincant puisque les média sont particulièrement efficaces pour distribuer la morale dominante, celle du vrai pouvoir actuel.

D'une certaine façon, il est évident que l'homme n'est plus au centre des principes de fonctionnement, y compris les principes moraux sous-jacents. Les objectifs affichés ou sous-tendus sont ceux du profit, de l'argent, mais certainement pas le bien être des hommes. A chaque fois, si un choix est à faire entre des profits améliorés ou une meilleure qualité de vie pour d'autres personnes que celui qui va prendre la décision ou celui qui va bénéficier de ce profit, il apparaît que de plus en plus le choix du profit prédomine.

Comment pourrait il en être autrement ? Le rêve d'un être humain bon par nature, se préoccupant des autres et notamment de l'intérêt général n'est pas réalité. Même si un être humain dispose d'une morale élevée, il faudrait d'abord se poser la question de quelle morale parle-t-on. Si cette morale est celle liée au bon fonctionnement de la Société dans le cadre défini par l'hyper-classe, il apparaît évident que cette morale sera alors viciée, détournée d'objectifs plus nobles et plus humains. Si cette morale n'est pas en accord avec les intérêts de l'hyper-classe, il est vraisemblable que cette morale ne parviendra pas facilement au pouvoir, à celui qui permettra de faire évoluer les décisions selon un axe suffisamment perceptible pour que ces décisions aient des effets notables.

L'autre élément limitant l'action d'un tel humain, c'est la perversion du pouvoir, soit pour y accéder (luttes d'influence, besoin d'argent pour les campagnes électorales, …), soit pour y rester (toujours ces mêmes luttes d'influence, toujours ce besoin d'argent pour se maintenir auprès des organes influents et permettant le maintient en place, comme les média). Gouverner, c'est choisir, c'est aussi renoncer. En effet, il n'est pas possible de contenter tout le monde, aussi la négociation, le compromis est indispensable. A la longue, il est naturel que la facilité soit la règle, c'est à dire la recherche du consensus avec ceux qui possèdent le plus d'influence, et donc par qui les décisions seront le plus facilement présentées au plus grand nombre comme bonnes et utiles.

L'être humain n'est pas fondamentalement bon, ni même fondamentalement mauvais. Il est par nature égoïste et altruiste à la fois. Il est contradiction. Et c'est cette contradiction qu'il faut savoir utiliser pour tenter d'assurer un bien commun réel et non un bien commun réduit à celui de l'hyper-classe.

Depuis toujours l'être humain utilise ou justifie des actions négatives selon des principes moraux ou politiques, qui sans eux seraient indéfendables. La guerre est l'une de ces actions les plus évidemment mise en valeur selon des jugements qui n'ont vraisemblablement rien à voir avec les motifs fondamentaux sous-jacents.

Principe de la Guerre, ultime action économique

Je ne connais aucun exemple de guerre où celle-ci ne pourrait pas trouver sa source sur une base économique. Bien sûr, l'économie ayant évolué dans l'histoire humaine, les raisons économiques ont elles aussi évolué avec le temps.

Cela peut être une cause territoriale, pour avoir plus de ressources naturelles, pour l'industrie ou la nourriture, pour avoir plus d'espace pour permettre le développement ou la survie des générations nouvelles en surnombre. Cela peut être une cause d'ascendance économique sur un autre peuple, pour s'assurer la domination d'un marché, d'une technologie ou voire même d'un modèle économique divergeant et opposé. Dans tous les cas, il paraît difficile de ne pas avoir les yeux ouverts et de se rendre compte que les arguments qui ont pu être trouvés, avant ou après, pour faire la guerre, sont au départ fallacieux. Je ne nie pas qu'ensuite certains de ces arguments philosophiques ou éthiques aient pu avoir un réel sens, pouvant éventuellement co-justifier un affrontement, mais en aucun cas un argument de ce type ne pouvait se suffire à lui même pour lancer une nation dans une guerre.

L'un des éléments qui tend ma réflexion est que l'histoire donne raison aux vainqueurs, dit autrement que la justification (énoncée avant ou après) ne trouve sa « vérité » qu'une fois la guerre gagnée. Bien sûr, il est tout à fait admissible que la lutte contre le nazisme soit une cause suffisante en soi, mais si l'Allemagne nazie est née avec une volonté expansionniste, il faut aussi y voir les raisons économiques sous-jacentes qui ont conduit ce peuple, ou tout du moins son hyper-classe à souhaiter l'expansion économique pour plus de profits. Bien sûr les idées qui sont venues ce greffer à cette conquête économique étaient méprisables, mais est-on certain que l'hyper-classe souhaitait cette orientation ? Elle la servait dans son souhait de domination culturelle et économique, mais elle aurait certainement tourné le dos à cette idéologie très rapidement une fois le calme revenu, comme cela c'est d'ailleurs produit une fois la paix acquise.

Il ne serait pas possible de demander à un groupe d'individus d'aller risquer leur vie pour un puis de pétrole ou pour une rivière, il est par contre tout à fait possible de justifier cet élan meurtrier sur la base d'une « guerre sainte » ou d'une « guerre anti-terroriste ou de démocratie ».

Les motifs de guerre sont de moins en moins justifiables, et même pire, ceux pour lesquels les hommes pourraient accepter la guerre n'engendre pas la guerre. Ainsi les justifications des mouvements militaires récents sont de moins en moins éthiques, ou tout du moins il est assez facile d'identifier les ressorts économiques sous-jacents à peine cachés. Quand aux endroits sur la planète où une intervention militaire pourrait se justifier sur la base de l'éthique, ces endroits là ne sont pas inquiétés, restent en dehors de la fureur des démocraties. Pour que cela reste cohérent, il faut donc bien que ces objectifs militaires n'aient pas assez d'intérêts économiques pour être validés.

Ainsi l'ensemble des grandes actions de l'humanité tend à respecter ce profit de l'hyper-classe, et non le bien être de l'humanité. Et par extension, ceci s'applique également aux autres considérations non humaines, à savoir l'environnement.





L'impact environnemental

Il n'est pas besoin de décrire avec moult effets comment le principe même d'une économie que l'on veut voir suivre un taux de croissance a minima constant, c'est à dire exponentiel, ne peut avoir de réalité sur un espace fini qu'est notre planète. Et même à considérer l'univers, celui-ci, selon nos théories actuelles, étant lui même fini, il n'est pas possible de continuer indéfiniment cette expansion.

Mais le virtuel (l'argent) ne tient guère compte de l'environnement. Sauf si celui-ci peut produire à nouveau de l'argent...


Ainsi les intérêts économiques mettent au second plan l'environnement, du moins tant que celui-ci n'est pas un frein à ses intérêts. Tant que les ressources en énergie seront encore disponibles, aucune raison de voir une autre façon de produire, de consommer au sein de nos économies capitalistes.

Lorsque la disparition des ressources sera telle qu'il ne sera plus possible de continuer avec le modèle actuel, alors seulement les considérations environnementales seront étudiées avec le sérieux nécessaire. Et encore, les choix qui seront faits seront ceux compatibles peu ou prou avec le modèle économique sous-tendu. On voit bien que le conflit actuel entre la prise de conscience environnementale et l'économie bute sur la notion de croissance, fer de lance du modèle actuel. On admet éventuellement que les efforts seront à mener par les consommateurs, à leur niveau, par une acceptation de leur limitation de leur confort, mais certainement pas la limitation du confort de l'hyper-classe.


On fait même de l'environnement un argument marketing, poussant le vice à faire considérer qu'il est bon de consommer un produit moins bien, moins fini, moins durable si celui-ci est produit selon des critères environnementaux discutables. Et tant pis si le consommateur est pris pour un imbécile, puisque celui-ci n'a en fait aucun choix sur les produits qu'on lui propose. Par contre, il est de plus en plus affiché que les produits de plus en plus high-tech sont réservés à l'élite, les possédants, parce que tout le monde ne peut pas en bénéficier, selon le modèle « tu ne peux pas polluer parce que tu n'es pas riche ».

Être riche autorise à polluer. Acheter du carbone à d'autres entités plus pauvres, acheter des objets dont l'empreinte écologique est désastreuse mais qu'ils peuvent payer. A l'inverse, le pauvre est condamné à acheter des biens (parce qu'il faut bien que l'économie continue de tourner) dont l'empreinte environnementale est un argument pour disposer de biens de mauvaise qualité, ou pire à effectuer des économies (parfois vitale sur le plan financier, de la santé) dans leur choix quotidien. Le modèle sociétale actuel condamne la population à utiliser et à se rendre dépendant de technologie (l'électricité, la nourriture, la santé) et de faire des choix, ceux qu'on leur laisse, entre la peste et le choléra, se soigner ou se chauffer, manger sainement ou acheter la voiture qui permettra éventuellement d'aller au travail, de continuer à « gagner sa vie », cette parcelle de vie qui déjà ne lui appartient plus.


Face à ces enjeux planétaires, même si on peut discuter tel ou tel point sur l'imminence ou non d'une catastrophe écologique, il est clair que le modèle actuel suivant une courbe exponentielle ne peut être réaliste à plus ou moins longue échéance. Il n'est pas possible de croire que notre modèle de société, où chacun pourra tendre vers un bien commun avec un partage de la qualité de vie entre tous, est un modèle viable à l'heure actuelle. Je crois plutôt que la situation actuelle nous entraîne vers un modèle où la majorité devra se contenter de ce qui est « politiquement » ou « moralement » correct, où les choix seront réduits de par la capacité à acheter (ou à s'endetter). A l'inverse, l'hyper-classe pourra elle continuer à afficher un train de vie, un modèle dispendieux, où l'empreinte écologique n'aura aucune importance puisque ils seront peu nombreux, tout en continuant de faire rêver le reste de la population sur leur situation. Ce rêve, devenant de plus en plus inaccessible, continuera à être le modèle dominant, tout en étant « diabolisé », rendu moralement mauvais par des études de plus en plus propagées auprès de la population. Tout comme pour le modèle évolutif de la société, qui a tendu à un modèle de « cadre » de fait esclave de temps modernes, avec la peur de descendre vers un niveau de consommation inférieur (ceux en « fin de droits ») avec une mise en perspective nocive de la classe dirigeante (l'hyper-classe), la société à venir devrait continuer à produire les mêmes schémas, en modifiant à la marge les modèles sous-jacents, sans en changer l'esprit.


Que peut faire la politique sur la base de ces considérations ? Selon moi, rien tant que le modèle même de son fonctionnement, des objectifs assumés, des priorités accordées ainsi que de la philosophie sociale générale ne change pas. Je ne crois pas à la révolution, qu'elle soit communiste ou anarchiste. Je ne crois pas à une solution collectiviste, l'humain étant par nature individualiste, même si il est également un être sociable. Je ne crois pas à l'homme parfait, bon, puisqu'il est par nature égoïste, même si il a également un penchant humaniste et donc altruiste. Il faut un système où les qualités et les défauts fassent partis du système, tendant à limiter les défauts, favoriser les qualités, mais en acceptant la faillibilité de l'humanité. Je propose de partir d'un système qui pourrait se dérouler relativement à tous les étages fonctionnels de la Société, celle du travail et de la nation. Je ne propose pas de revoir la formule familiale en l'état de mes réflexions.






Modèle social et économique


Pour pouvoir expliquer un modèle de société et d'économie, il me faut en priorité expliquer le fondement d'un modèle de relation et de contre pouvoirs qui doit réintroduire l'humain au centre des relations sociologique, politique et économique. A partir de ce point, ce recentrage sur l'humanité, les autres paramètres ou objectifs devraient en découler, y compris la prise en compte de l'écologie comme un des paramètres essentiels à la survie.


Le « bon vouloir »

Ce que je nomme le « bon vouloir » doit être expliqué. Il peut être présenté sous d'autres appellations, d'autres formes. Il faut donc essayer d'y voir ici les fondements sous-tendus, et non pas une règle absolue qui ne peut pas exister au sein de l'humanité. Toute règle humaine ne peut être intangible, elle doit évoluer avec l'humanité, son environnement, mais aussi elle doit prendre en compte la diversité, les différences temporelles, géographiques ou culturelles.


Fuir la morale

Le premier point pour éviter ce piège d'une règle intangible, c'est de ne pas l'adosser à une quelconque morale, la recherche d'un homme meilleur, car cet objectif a été tenté par le passé et s'est toujours voué à l'échec.

La révolution Française poursuivant un idéal humain et sociétal a conduit d'une part à une phase de transition particulièrement violente et inhumaine, à une dictature idéologique et sans limite, où seule la peur du sang généralisée a interrompu le processus. D'autre part, elle a conduit à l'établissement d'une nouvelle caste, particulièrement en place aujourd'hui, source d'inégalité évidente, à savoir l'hyper-classe discutée auparavant. C'est d'ailleurs cette hyper-classe naissante qui a eu peur de se voir détruire qui a provoqué la fin de la violence révolutionnaire, par une coalition d'intérêts initialement en compétition (la recherche du profit passait par une lutte, une guerre économique, la concurrence) vers une association aux intérêts biens compris (la financiarisation globale, le monopole non pas d'une entreprise mais des moyens financiers gérant l'ensemble des moyens de production).

La révolution bolchevique ou le communisme en général poursuivait l'idéal d'une communauté humaine égalitaire, où aucun intérêt particulier ne prenait le pas sur l'intérêt particulier. Elle a oublié à la base que l'être humain, même si il est altruiste et sociable, est aussi égoïste et individualiste. Elle a oublié que l'être humain a également besoin d'une organisation pyramidale où un groupe d'individus concèdent à un sous-ensemble le pouvoir de les diriger pour améliorer le fonctionnement général, conduisant malheureusement aussi à la volonté de conserver inévitablement le pouvoir ainsi conféré. La dictature éclairée n'est fondamentalement pas bonne car elle tourne au désastre à plus ou moins long terme, poussée par la corruption inévitable de l'être humain, quelque soit la qualité de celui-ci à la base. L'humain parfait et bon par nature ne peut pas perdurer, ni même selon moi exister. Je me méfie comme de la peste ces gens qui prônent un idéal humain malgré l'homme.


Sur cette base, on pourrait suivre la philosophie générale et dominante du « à quoi bon » ou mieux du « la démocratie est le moins pire des systèmes », conduisant aux mêmes effets, à savoir le renoncement à une quête humaine plus juste et prometteuse d'un avenir commun plus appréciable et partagé par le plus grand nombre.

Une autre voie est possible, où l'être humain serait au centre des préoccupations, conduisant à une société où la faillibilité humaine est un composant de l'équation générale, sans chercher à basculer dans un mode dictatoriale vouée à l'échec. Il n'est pas concevable non plus de penser à un système collectiviste ou communautaire car l'individualité ou le besoin d'indépendance est aussi fort que le besoin d'agrégation de l'humanité. Nier l'un ou l'autre, la faillibilité ou les contradictions humaines c'est conduire à un échec à plus ou moins long terme.


Si la morale a été pendant longtemps le point dominant de nos évolutions, elle a été aussi associée à des positions immobilistes, rigoristes où l'absence de la prise en compte de la contradiction humaine a été prise en compte, ou du moins volontairement ignorée à l'aide d'une tentative de contrôle imposée. De plus, ces positions moralistes sont à rapprocher du pouvoir économique du moment, c'est à dire que cette morale devait également servir les intérêts de l'hyper-classe de l'époque. Enfin, de par ce dernier point, l'association de la morale au pouvoir économique en place, celle-ci n'a de validité que dans le temps et l'espace où celle-ci s'exprime. La morale d'un temps n'est pas valide quelque soit l'époque. La morale d'un lieu n'est pas plus valide si on cherche à la répandre dans d'autres lieux où les castes sont différentes.


Plutôt que parler d'une morale, je recherche plus la notion d'une volonté partagée, non basée sur des règles éthiques abstraites, mais sur des règles de bon sens dont les objectifs mutables dans le temps et dans l'espace permettraient un fonctionnement tendant vers une centralisation des intérêts sur les êtres humains composant la Société. Je pense à un pragmatisme en quelque sorte érigé en règle, mais où ce pragmatisme n'oublierait pas l'être humain, quel qu'il soit, évitant autant que possible les situations dictatoriales ou ultra dominantes d'une classe sur une autre.

Je ne pense pas possible l'égalité absolue, car elle nie le fonctionnement même de l'humanité basée sur une composition hiérarchique. Mais je souhaite intégrer un contrôle a priori et a posteriori sur les dirigeants d'un moment, de façon à éviter les effets négatifs de la concentration du pouvoir.


La volonté, moteur indispensable

Dans ce cadre, ces limites, qu'est donc le « bon vouloir » ?


Il ne faut pas entendre « bon » et « vouloir » séparément. Il ne faut pas non plus entendre « bon » au sens moral du terme ou religieux. Je le vois ici plus au sens philosophique et pragmatique. « vouloir » est ici le mot indispensable, car il est illusoire de réaliser un nouveau modèle sociétale et économique si il n'y a pas de volonté commune à appliquer ce modèle. Il est illusoire de vouloir imposer un modèle si les membres de la Société ne peuvent pas exprimer leur volonté. Le « bon vouloir » est en première approximation la possibilité donnée à tous de vouloir pour eux même et par eux même, dans un objectif commun passant par une acceptation commune de règles et de décisions, pour autant que ces règles et ces décisions aient pris en compte le vouloir individuel. C'est la possibilité donner à tous d'exprimer leur individualité, le « vouloir », dans un cadre collectif et humain, le « bon ».


Le « bien » n'est pas le « bon ». Le « bien » est une vision moraliste, donc limitée dans le temps ou dans l'espace de ce qui peut éventuellement être bon. Il peut aussi conduire au néfaste, même si celui-ci n'est pas considéré comme le « mal ».

Je refuse l'aspect moraliste, autant qu'il m'est donné de le faire – mon être étant évidemment construit sur la base de principes moraux qui m'ont été inculqués, mais dont j'essaye de m'en libérer dans la mesure où mon esprit me permette de dissocier le « bon » du « néfaste ». Le mot « bon » n'est pas totalement satisfaisant non plus, car il associe trop facilement la notion morale du bien et du mal. Une première approximation peut se faire par analogie sur l'alimentation. Le « bon » alimentaire consiste en la nourriture qui est bénéfique à l'organisme, tant par rapport à ses apports physiologiques les plus évidents, que par ses apports sociétales (le goût, la cuisine, la possibilité de partager un repas, une culture via ce repas ou la façon de créer ce repas). Est « bon » ce qui est bénéfique pour l'individu mais aussi pour ses relations avec ses congénères, et par extension pour l'environnement qui lui permet de se développer.


Ce qui pour moi a son importance, c'est que ce « bon » doit être voulu, c'est à dire que l'individu doit participer à sa réalisation, le vouloir, non pas comme l'esclave d'une morale ou d'un système ne lui laissant en fait aucun choix, mais comme un individu pensant. Cet individu ne doit pas a priori être bon lui même (moralement ou sociologiquement s'entendant) car cet objectif est inatteignable, hormis par la pensée. Mais le système dans lequel il évolue doit prendre en compte ses faiblesses et ses forces, ses aspects négatifs (pour lui ou pour les autres) tout comme ses aspects positifs. Il ne fait pas faire d'une condition nécessaire l'aboutissement d'un être supérieure, d'un humain accompli pour avoir un système valide. Néanmoins des conditions peuvent être isolées pour permettre le reste du système opérationnel.


L'éducation

L'éducation est nécessaire, car elle doit permettre la réflexion chez les individus, dans la mesure de leur capacité. Il est en effet illusoire de penser que tout un chacun pourra être performant en tout et pour tout. Je rejette ce principe d'égalitarisme forcené qui impose un modèle unique pour tout le monde. L'égalité ne veut pas dire l'uniformité. Tous les individus sont différents, mais c'est leur collaboration qui permet à une société humaine de s'épanouir et d'aboutir au bien de tous. J'ai autant de respect pour un forgeron, un boulanger, un électricien, que pour un scientifique, un philosophe ou un professeur. Les uns ne vont pas sans les autres. Le travail de chacun permet à tous d'améliorer son travail personnel, sa contribution à la Société. L'humanité s'est spécialisée dans les différentes tâches que les hommes ont à accomplir, et je ne vois pas de raison valable qui permettrait de remettre en cause cette spécialisation. Mais spécialisation ne veut pas dire asservissement. Il ne doit pas y avoir de valeur a priori supérieure ou inférieure d'un travail par rapport à un autre.


Pour cela, l'éducation doit permettre à tout un chacun de s'accomplir, le cas échéant de se réorienter, non pas parce qu'une activité serait supprimée pour des raisons de profits, mais parce que soit cette activité n'a plus de sens dans le cadre des évolutions sociétales et environnementales actuelles, soit parce que l'individu souhaite modifier la nature de sa contribution à la Société. L'éducation de la masse implique bien sûr une certaine homogénéité dans l'enseignement, tant sur le fond que la forme, pour être efficace. Mais elle ne doit pas ignorer les différences des individus, ni leurs aspirations. Mais elle ne doit pas non plus s'attacher uniquement aux activités locales (géographiquement ou temporellement), afin de permettre à tout un chacun de se libérer de ses contraintes physiologiques (temps et espace, mais aussi par extension culturelles).


L'éducation doit assurer un savoir minimum, mais surtout un niveau de réflexions minimum qui assurera à l'individu sa capacité de citoyen. Néanmoins, il faut se méfier ensuite des dérives qui voudront que tel ou tel individu, voire groupe d'individus, se voient refuser le statut de citoyen sous prétexte qu'ils n'ont pas réussi une forme d'examen de citoyenneté. En tout état de cause, si les personnes faibles psychologiquement (enfants, malades mentaux) doivent être protégés, leur faiblesse ne doit pas les exclure du champ démocratique que je souhaite affirmer. Pour cela, ces personnes seront intégrées totalement dans le circuit de décisions, dans la mesure où les éléments exposés leur seront compréhensibles, ils seront des citoyens de fait, inaliénable propriété de tout individu humain. Mais là encore, je vois ce poindre les limites d'un tel raisonnement : cette attitude permettrait de justifier par l'extrême des situations d'exclusion ou pire de la création de « sous-classe » dont on refuserait la possibilité de s'exprimer. Mon idée est que la notion de « bon vouloir » devrait permettre d'éviter ces excès par la prise de conscience de tous, y compris des intéressés mais pas uniquement, de toute décision tendant à déclasser une catégorie d'individus pour des raisons aussi diverses que culturelles, économiques, génétiques...


L'éducation permet aux personnes d'être des contributeurs à la Société, par leur travail mais aussi par leurs décisions et la prise en compte de leurs désirs. L'éducation permet d'avoir une vision un peu plus altruiste de ses désirs, mais attention néanmoins que cette éducation ne se transforme pas en moralisation d'un peuple. La philosophie oui, la morale non ! Ce qui ne veut pas dire que des valeurs communes ne sont pas enseignées, telles que « tu ne tueras point ». Mais encore une fois, méfions nous de tous les enseignements moraux enseignés. Ainsi « tu ne voleras point », si celui-ci ne prend pas en compte ce qui a été volé et pourquoi, peut conduire à une situation où de manière intuitive l'individu voit bien qu'il n'a pas eu le choix. Ainsi la faim et le refus de la Société à lui assurer une subsistance peuvent conduire une personne à l'extrémité d'un vol pour se nourrir. Pour autant, voler un autre alors qu'aucun besoin vitaux n'est en évidence, ce geste là doit être considérer de plus près, sans pour autant exclure d'autres causes justifiants cet acte.

D'un certain point de vue, le « tu ne tueras point » pourrait aussi se retrouver face à des contradictions, mais avec la limite que la vie (humaine en particulier, mais par extension pour le reste de la vie) est sensée être un élément indiscutablement inviolable. Néanmoins, la vie s'appuie aussi sur la suppression d'une autre vie pour le maintient de la première. Il demeure dans ce cas a minima la règle qu'au sein de la même espèce, cette règle semble inviolable, d'où que le meurtre, quel qu'en soit sa forme, présente un aspect non acceptable.


L'éducation adaptée tout en respectant le principe d'efficacité nécessaire conduit à la première pierre de l'individu pensant et autonome, pouvant participer au fonctionnement globale de la Société dans laquelle il s'est inscrit. Cette pierre autorise la mise en relief de la première partie, le « vouloir » dans le sens « bon » pour l'individu, non pas comme une valeur morale mais comme une valeur intrinsèque de chaque être humain. Il demeure une autre pièce maîtresse pour assurer la réussite de ce modèle, il s'agit en particulier du fonctionnement même de cette Société. Celle-ci s'appuie sur l'autre composante de l'expression le « bon vouloir », à savoir le « bon » dans sa composante du « vouloir » de la communauté.



La communauté

La hiérarchie dans une communauté est indispensable pour qu'elle réagisse rapidement à des situations données, mais également qu'elle fonctionne correctement de manière ordonnée et non sous une forme chaotique. Mais la hiérarchie ne veut pas dire la dictature. Ainsi le schéma démocratique est un exemple où la hiérarchie y est affirmée tout en conservant autant que possible une absence de dictature. Néanmoins, compte tenu de la situation que j'observe, il me semble que la démocratie telle que connue à ce jour souffre de défauts majeurs.


Parmi ces défauts, la course au pouvoir (et le désir de s'y maintenir) ou l'absence de prise en compte des intérêts des subalternes sont les principaux éléments qui me semblent nécessaire de corriger.


La participation

Combien de fois verrons nous sans sourciller ce gaspillage humain, social, psychologique et financier, dans ces entreprises de taille importantes (environ au delà de 50 employés) ? Les employés n'y sont plus reconnus, ils y sont mis en concurrences les uns avec les autres, non content d'être déjà en concurrence avec d'autres sociétés. La machine à broyer les humains se met en marche aujourd'hui dès qu'une certaine dimension semble être dépassée, cette dimension où les rapports humains ne sont plus possibles – soit disant – autrement que par les relations hiérarchiques impersonnelles et froides, associées au rendement, au profit – non partagé – ou au culte de la performance.


Il est surprenant de voir ces personnes (employés) se retrouver dans des situations où elles-mêmes se sont inscrites (stress, travail sans horaire, voire sans lieu – le télé travail se développant de plus en plus), et les conduisant d'elles mêmes dans un état d'esclavagisme absolu, sans même que la hiérarchie ne l'est réellement demandée (bien que communément souhaitée). En effet, pourquoi la hiérarchie refuserait à un employé que celui-ci s'investisse plus dans son travail, au contraire, c'est une valeur, un gage de sérieux ! Et le pire, c'est que lorsque la personne est à bout, n'en peut plus, que cela se manifeste par la maladie, la dépression, ou pire par l'auto destruction (voir les évènements se multipliant comme ceux tragiques et médiatisés de suicides en entreprise), l'entreprise rend alors coupable la personne concernée de ses propres malheurs, se déculpabilisant, ignorant toute responsabilité dans le processus qui a conduit cette personne à ces extrémités douloureuses et destructrices.


Serait il possible d'avoir un autre système ?


Pour moi, cela commence par le rapport des uns avec les autres, et cela se poursuit jusqu'à l'abandon progressif d'éléments faussant la nature réelle des rapports entre les hommes.


Je propose une vision humaine de l'entreprise, une vision non pas idyllique où tout le monde serait bon et gentil, ce qui serait une pure utopie. Le bon se définie pour moi selon des critères objectifs, comme une avancée pour tout le monde, qui ne génère pas d'effets négatifs. L'aspect pragmatique veut dire que il ne peut y avoir de bon absolu et que des effets négatifs peuvent momentanément intervenir, néanmoins, pour qu'il soit considéré par moi comme bon, il faut que ses effets négatifs soient limités dans le temps et l'espace et que les entités subissant cet effet négatif y voient à leur tour un aspect positif. Ceci n'autoriserait pas par exemple le meurtre d'un individu, car il serait impossible à lui appliquer un aspect positif ensuite... Il ne s'agit donc pas d'une vision purement rationaliste des choses, qui peut conduire à des décisions catastrophiques sur un plan sociologique ou philosophique. Ce qui fait pour moi la distinction est à nouveau l'individu, qui par sa notion du « bien » va pouvoir décider si ce qu'il fait est « bon ». Et pour éviter que cette décision ne soit pas inscrite dans une isolation favorisant les déviations inévitables à l'âme humaine (racisme, peur de l'autre, sentiment de supériorité, …), cette décision ne doit pas pouvoir être suivie d'effets si le groupe auquel appartient cet individu n'est pas en accord avec cette décision. Ce groupe étant lui même inscrit dans un autre groupe, la décision se propage avec une possibilité de correction de celle-ci pour la rendre « bonne », avec le moins d'effets négatifs possibles.


Parmi les critères, le critère humain est primordial, mais sans oublier le critère environnemental, ni le critère économique. Sur un plan pragmatique, aucune décision ne peut relever que de l'humain, en faisant fi de l'environnement ou de l'économique, comme elle ne peut être issue que de l'économique en faisant fi des deux autres paramètres.


Ce « bon vouloir » peut se traduire par une relation hiérarchique dans une entreprise, mais où le subalterne est un collaborateur et non un esclave. Il ne s'agit pas d'avoir une vision « collégiale » du pouvoir qui ne me semble pas réaliste, mais une vision « collaborative » où le subordonné peut être à même de proposer une variante à un ordre, mais surtout de pouvoir s'opposer à un ordre qui lui semblerait « mauvais » (et non pas « mal » uniquement).

Bien sûr, je vois d'ici les addicts au libéralisme ou au capitalisme me dire que c'est impossible, qu'il faut bien un décideur. Oui, mais si celui-ci prend des décisions qui sembleront « bonnes », elles seront suivies. C'est d'ailleurs dans cette dernière assertion que le bas blesse à cette méthode : le fait qu'une décision « semblerait » bonne, suffirait à ce qu'elle soit exécutée, d'où un problème vis à vis des autres acteurs qui se feraient peut-être bernés. Mais ce que je pense, c'est qu'il y aurait toujours des individus (penseurs, écrivains, artistes, journalistes, …) pour détecter ce genre de faux semblants et ainsi corriger le tir, certes a posteriori, mais le corriger tout de même. Du coup, ce décideur n'aurait alors plus le crédit suffisant pour imposer des idées faussement « bonnes » après analyse.

Je vois aussi d'autres pouvoir me dire que cette façon de procéder tendrait à rendre impossible tout progrès, notamment lorsque celui-ci serait contraire aux intérêts d'un groupe existant (intérêts privés par exemple) ou encore lorsque celui-ci serait d'une aspiration humaine non évidente pour le plus grand nombre (abolition de la peine de mort par exemple). C'est là que le gouvernement, qui doit continuer d'exister, peut intervenir en rendant possible ce dépassement des difficultés initiales pour dépasser les intérêts particuliers ou des freins idéologiques. Ce gouvernement, lui aussi responsable devant la plus grande société qui soit, la Nation extension de la communauté, sera responsable et validé par le plus grand nombre sur la base du « bon vouloir » de ces actions. Pour fonctionner, il faut hélas empêcher cette course à l'échalote qui consiste à « gagner » des élections de manière si brutale.


Ainsi la communauté, qu'elle soit d'ordre de l'entreprise ou de la Nation, doit pouvoir donner accès aux discussions, aux contradictions et aux décisions à chacun de ses membres. Si la hiérarchie est nécessaire, elle ne doit pas pour autant nier l'intelligence humaine des collaborateurs, leur capacité à proposer et à faire évoluer la communauté.


Au niveau d'une entreprise, si le chef d'une équipe assume la responsabilité du groupe, il n'en demeure pas moins que chacun de ses membres est un individu libre et non aliénable. Il ne doit pas y avoir aliénation d'un individu. Néanmoins, parce que la liberté se paye aussi par un renoncement partiel de sa liberté (voir les philosophes discutant de la liberté et de ses limites), le chef doit pouvoir aussi dicter la conduite d'un chantier, sans que cette conduite soit remise en cause par tout le monde de manière continue. Il faut donc poser ces moments de décisions par intervalle, de façon à permettre la discussion, richesse humaine par excellence, sur les orientations du chantier à réaliser. Une fois cette réunion terminée, les actions peuvent se réaliser alors en commun accord entre tous les intervenants.

Il se peut néanmoins que cette réunion se transforme en une foire d'empoigne, ou pire encore en une mascarade de démocratie. Il doit alors y avoir la possibilité donner à chacun d'exercer son droit de retrait sur une orientation prise, et le droit d'en pouvoir référer à la hiérarchie, y compris s'il le faut au niveau le plus haut, à savoir la Nation (et par extension, un droit similaire devrait être mis en place au niveau mondial).


La participation doit être le modèle communautaire, sans pour autant tomber dans l'excès qui serait l'idéal d'une société décidant toute unie et comme une seule entité. Ce modèle théorique ne peut pas exister, de par l'individualité et l'égoïsme naturel des êtres humains, et on a pu le voir par quelques expérimentations malheureuses pour l'humanité comme le communisme. Par contre, une vision collaborative où chacun peut apporter sa participation à la vie de la Société, est entendu comme un être autant important que les autres, néanmoins dans la limite de ses prérogatives, cette vision là est plus réaliste et reste efficace. Quelques essais dans le passé ont pu être tentés, comme la cité Sparte, même si il faut aussi ne pas oublier ses limites, notamment avec une classe d'esclaves particulièrement soumis à la classe dirigeante, une oligarchie naturelle liée aux richesses ou à l'âge nécessaire pour être un représentant de la Cité. Mais les embryons d'une société communautaire, n'excluant pas la hiérarchie a été tentée. Elle incluait notamment un fonctionnement où les personnes au pouvoir devaient, dans une certaine mesure, écouter les autres citoyens. Elle prévoyait, de manière limitée également, un renouvellement des élites. C'est ce second élément qui me semble primordial pour qu'une société communautaire puisse voir le jour, tout en conservant une forme hiérarchique indispensable.


Le pouvoir ne doit pas être confisqué, il doit changer de main de manière obligatoire pour s'assurer la non corruption des élites, mais aussi il doit intégrer une représentativité la plus exhaustive possible des composantes de la Société.


L'organisation

Afin d'éviter la personnalisation du Pouvoir, sa quête comme un but et non un moyen, il faut instaurer un équilibre des forces, y compris au plus haut niveau de l'exercice du Pouvoir. Je propose donc d'éclater les plus hautes fonctions en plusieurs personnes.


Un seul individu au pouvoir tendra inévitablement à la confiscation du pouvoir aux autres, avec pour objectif de maintenir le sien dans sa conquête ou dans la durée. La perversion du pouvoir tendra à éloigner cet individu du « bien commun ».

Deux individus ne résisteraient pas soit à l'affrontement, rendant stérile l'exercice du pouvoir et tendant par nature à retrouver sa singularité, son unicité par l'effacement de l'autre. Soit il ne résisterait pas à la coalition entendue entre deux individus, par un partage du pouvoir dans le temps et dans l'espace. Autant le second est difficilement évitable, et ce quelque soit le nombre d'intervenants, autant le premier connaît une solution.

Le triumvirat permet un usage à trois de l'exercice du Pouvoir. Il empêche a priori les conflits simplistes entre deux personnes, imposant un mode de conciliation, de concertation pour assumer son efficacité. Il tend également à réduire la possibilité d'un partage strict (disjoint) entre les trois intervenants, même si il ne l'empêche pas totalement. Il permet le retour des échanges d'idées entre les hommes, et donc, selon moi, l'application du « bon vouloir » au plus haut niveau de l'exercice du Pouvoir.


Néanmoins ce point ne suffit pas. En effet, dans la durée, même ce trio pourrait se retrouver face à des choix où leurs intérêts, ou du moins ceux qu'ils représentent, seront plus important que leur fonction. Pour contrevenir à ce défaut, une règle stricte de durée doit être imposée. Chacun des membres du triumvirat doit rester un temps défini et humainement contrôlable, au sens où ce temps devrait être suffisamment court pour que la sincérité d'un membre ne soit mise en doute. Ce temps ne doit pas néanmoins être trop court afin de laisser le temps également à cet individu pour proposer de réaliser certaines évolutions bénéfiques pour la communauté. Il s'agit donc de trouver ici le bon compromis. Selon moi, cette durée ne doit pas excéder 10 ans, mais elle ne doit pas être inférieure à 3 ans.


Un autre point, afin d'assurer une certaine stabilité à l'ensemble hiérarchique ainsi construit dans la durée, il serait fortement souhaitable que les mandats viennent à terme d'une façon régulière mais séparée. Ainsi, l'élection d'un nouveau membre du triumvirat provoque le changement d'un des 3 membres mais maintient les 2 autres pour la durée d'un mandat. Ainsi le triumvirat pourrait être renouvelé par tiers tous les 3 ans, donnant ainsi une durée de mandat de 9 ans au total pour un de ses membres. Si l'on pense que ce temps devient trop long, il serait toujours possible de réduire les délais entre deux élections, ainsi un membre serait élu pour 6 ans avec un renouvellement tous les 2 ans des tiers.

Cette durée est certes importante mais elle ne freine pas les effets liés à la conquête du pouvoir et surtout à celui du maintient en place, en clair la possibilité de réélection à l'issu du mandat ou de l'oubli des enjeux pour lesquels on a été élu.


Concernant la sincérité du candidat, une procédure d'écart doit exister, afin de protéger le système d'individus manifestement néfastes mais qui auraient malheureusement été élus. Plusieurs contre pouvoirs peuvent exister.

Il y a la possibilité de destitution, mais sous réserve d'une durée minimale d'exercice du pouvoir (par exemple 1 tiers du mandat). Celle-ci doit être dictée par des circonstances exceptionnelles et ne devrait pas être utilisée à la légère, vu la gravité de la remise en cause du modèle, et notamment le risque induit d'instabilité, puisque il faudra revoir alors le rythme des élections et des renouvellements pour rééquilibrer le système afin d'éviter un changement soudain de plus d'1 tiers du triumvirat.

Il y a la possibilité de limiter les effets des décisions prises par ce triumvirat (ou du moins un de ses membres) dans le cas où ces décisions sont néfastes, contraires au bien être évident de la population, du bien commun. La présence d'un parlement (ou équivalent comme un conseil de direction, un conseil d'industrie, un conseil de quartier, …) avec des pouvoirs similaires à celui du triumvirat, mais cette fois ci avec une masse d'individus plus importante. Cette masse tend à rendre plus difficile les discussions et les conciliations - hormis si l'on considère l'esprit de clan, mais celui-ci est contraire à l'idée du « bon vouloir », j'y reviendrais. Ce parlement devrait ainsi valider les décisions prises par le triumvirat, exprimer les conditions de réalisation de ces décisions. Mais il peut tout autant bloquer la mise en pratique de telles décisions en refusant la promulgation et l'expression des conditions de réalisation.


Le parlement peut aussi proposer des décisions différentes de celles du triumvirat. Dans ces conditions, 2 tiers des triumvirats sont nécessaires pour valider une telle proposition de décision. Ainsi ce parlement est-il lui aussi un organe de contre pouvoir et de pouvoir. Tout comme pour le triumvirat, le parlement (ou conseil) sera lui aussi nommé pour une durée limitée, avec un renouvellement par tiers.


Les règles limitatives

Enfin pour éviter la volonté de s'accrocher au pouvoir, un élu (du triumvirat ou du parlement) ne peut pas se présenter à sa propre succession. Il ne peut pas non plus se représenter aux élections suivantes, mais il doit attendre 2 séries d'élections. Ainsi, avec une élection tous les 2 ans d'un membre du triumvirat, un élu devra attendre au minimum 4 ans avant de se représenter après ces 6 premières années d'exercice. Ceci devrait freiner de manière significative le désir naturel de pouvoir de tout individu, sans pour autant nier la force que constitue l'ambition, moteur humain acceptable si il est contrôlé.


Il reste un dernier élément, peut être le plus difficile à obtenir, il s'agit de s'assurer que les représentants ainsi élus sont représentatifs de la communauté qu'il représente. Pour cela, il faudrait imposer un circuit où toute forme de représentation est composée de membres provenant de représentation d'un niveau plus restreint.


Ainsi pour une entreprise, les représentants d'une usine ou d'une division éliraient des représentants au conseil de l'usine, composé des ouvriers, des cadres et des possédants. Ce conseil élirait à son tour les représentants au conseil de l'entreprise et ainsi de suite, y compris en cas d'entreprise internationale, multi-entreprises, …

Il en serait de même pour l'État, avec les conseils de quartiers, de mairie, de département, de régions, nationaux (et pourquoi pas de continents et planétaire).


L'objectif de cette construction pyramidale est de permettre une mixité imposée de tous les représentants de la Société, y compris jusqu'au plus haut niveau. Il est d'éviter, autant que possible, le défaut actuel de nos démocraties, à savoir l'oligarchie qui s'installe partout, contraire sur le fond d'une réelle démocratie, mais pas sur la forme (tout le monde a le droit de se présenter, mais hélas, sans l'appui des oligarques, cette candidature n'a aucune chance). Il faut donc aussi que les « campagnes » électorales soient strictement limitées, pas de grands spots publicitaires (où le mensonge est roi par définition, puisqu'il s'agit de « vendre » un produit, ici le candidat), pas de tracts distribués dans la foule. La campagne se tient uniquement dans le cadre des sous-conseils, ceux qui vont élire les représentants à l'échelon supérieur. Aucun financement n'est nécessaire, il sera induit par la communauté.


L'ensemble de ces points devrait permettre de tendre vers un système moins oligarchique, plus représentatif, moins dictatorial et plus démocratique : la limitation de la concentration des pouvoirs à 3 individus, la limitation de la durée, la limitation du maintient au pouvoir, la limitation des abus de pouvoir, la limitation des castes hors représentation réelle des individus concernés, la facilité pour un individu à monter progressivement de strates en strates vers le plus haut niveau si ses qualités sont reconnues, le tout avec le moins de mensonge volontaire (publicité, campagnes électorales).


Dans un contexte du « bon vouloir », avec une organisation comparable à celle que j'ai décrite, quels pourraient être les effets sur le modèle économique dans lequel nous vivons ?



Le modèle économique

Si le modèle social est revu, celui de l'économie doit l'être également, car ignorer l'économie conduirait à ignorer ce principe fondamental liant les êtres humains entre eux, ces rapports fondés sur la spécialisation des activités et donc l'échange obligatoire entre eux pour que la société vive régulée et dans l'esprit du « bon vouloir » défini. L'absence de l'économie dans le raisonnement conduirait à l'échec de l'organisation sociale.

Le travail, seul élément signifiant d'un citoyen ?


Depuis la sédentarisation de l'espèce humaine, l'agriculture, l'élevage et les métiers préindustriels ont conduit l'humanité à considérer le travail comme étant la référence à la participation d'un individu au progrès de la communauté à laquelle il se réfère. Le travail de nos jours différencie l'individu acquérant des droits, mais aussi des devoirs, grâce à son travail, contrairement à celui qui ne travaille pas, nommé simplement, en cas de la perte de sa capacité à travailler comme étant en « fin de droits ».


Mais le travail ne constitue plus une valeur absolue pour les êtres humains, car la production, via l'automatisation, dépasse les besoins. L'automatisation conduit l'homme à un besoin moindre de travailler (dans le temps et dans l'espace) tout en assurant ses besoins vitaux et même ses besoins non naturels mais néanmoins indispensables (la culture notamment). Néanmoins, la propriété (ou la confiscation directe ou indirecte de la dite propriété) des biens de création, de production vers un petit nombre d'individus tend à introduire une inégalité entre les individus de la même communauté. Cette confiscation peut prendre plusieurs formes, comme nous l'avons abordée.


Directe, elle est liée à la financiarisation des biens ou moyens de production, la concentration des moyens financiers, et donc de la propriété, dans les mains (ou plus précisément dans les comptes bancaires, les actions à la bourse) de quelques un, dont les objectifs primaires ne peuvent être communs avec ceux du reste de la communauté. Les intérêts sont divergeant, tant dans l'instant qu'à moyen terme, le profit étant une denrée dont l'immédiateté s'accélère tout en conservant une idée de pérennité dans ses relations et ses moyens.

Indirecte, cette confiscation est liée aux emprunts, aux taux d'intérêts et à l'asservissement d'une population selon un mythe sociologique et économique, imprimé dans une institution politique : le mythe du cadre comme modèle absolu de l'ascension sociale, alors qu'il est clair qu'il constitue la mise en œuvre d'un esclavagisme plus abouti que ceux du passé ; une démocratie où les enjeux réels sous-tendus ne sont pas ceux énoncés, l'oligarchie minimaliste rendant implicite ou explicite les mensonges pour continuer à faire perdurer la croyance populaire dans les bienfaits d'une société déshumanisée ; une propriété virtuelle de biens (maison, voiture, …) via l'asservissement des taux d'intérêts, la contrainte associée au remboursement, non pas de la valeur acceptée du produit acquis, mais de valeurs créées supplémentaires (la dette), conduisant à une propriété incomplète produisant toujours plus de richesse pour ceux disposant du pouvoir monétaire ; une dévaluation ou inflation de la valeur de biens, conduisant à une surenchère ou à l'inverse une sous-estimation de la valeur de ces objets, non plus dans le but d'affirmer la valeur d'un bien lors de son achat, mais celle qu'il pourrait avoir lors de sa revente.


De ces éléments, la production des richesses n'est pas un bien commun, quoique le modèle de pensée majoritaire veut nous le faire croire, mais un bien centré sur un groupe d'individus de plus en plus restreints, mais aussi de plus en plus distants des préoccupations du reste de la communauté. Si ce modèle continue, il arrivera alors une période épouvantable où les tensions créées ne trouveront d'autres solutions – immédiates – que celle de la violence. La dictature n'a de validité tant que les individus soumis à celle-ci l’acceptent. Que la soumission soit remise en question et le dictateur s'en trouve dépourvu de tout pouvoir – ou presque -. Et ce presque comporte les effets liés à la violence, à la capacité donnée au dictateur de lever une armée par ses moyens financiers, ses promesses de lendemains meilleurs pour ceux qui le suivraient encore. Il faut donc nier cette relation mais en assurant une équité y compris pour les possédants actuels pour permettre l'évolution de la société. Ceci passe par l'acceptation des besoins de base de la communauté, les aspirations naturelles humaines et l'équilibre des relations tant sociales qu'économiques.


Le droit à vivre avec le minimum vital (nourriture, logement, éducation) doit être donné à tous. Il ne doit pas y avoir de relation directe entre la notion de travail et celui d'un individu participant à la communauté. Le travail doit alors devenir un choix humain, et non pas une servitude subie. Il doit être encouragé, comme l'apport personnel de ses propres moyens (physiques ou psychiques) au « bon » fonctionnement de la société. Sa « volonté » doit lui permettre d'apporter la meilleure contribution possible à cette Société dont il se réclame. De ce fait, si une situation devient intolérable pour un être humain sur le plan d'une action demandée par un tiers, il lui suffit de changer d'apport personnel pour stopper net son intervention. Si les individus sont éduqués, on peut penser raisonnable que toute action relevant d'une inégalité profonde, d'une injustice ou d'un risque pour l'humanité, l'environnement, …, cette action se verra alors privée de ses acteurs nécessaires et deviendra donc caduque par nature, au même titre qu'il ne peut pas y avoir de dictateur si il n'y a pas de personnes soumises acceptant cette soumission (l'acceptation pouvant être réalisée de différente manière).


Le travail tend à disparaître, ou du moins à diminuer. Il ne peut donc pas constituer le référentiel absolu de relation entre les individus. Il doit par contre constituer, tant que la technologie ne suffit pas à elle seule à assurer la vie de la communauté, un élément de référence permettant d'assurer une hiérarchie dans les rapports humains. En effet, celui qui participe plus que les autres, qui assure une évolution majeure (technique, philosophique, économique, environnementale, …) dans l'humanité doit aussi pouvoir assumer ce progrès, sa mise en œuvre dans un contexte communautaire. En aucun cas, cette hiérarchie ne doit tendre à la dictature ou à une forme d'oligarchie. C'est pourquoi le principe du « bon vouloir » et son organisation politique précédemment présentés devraient permettre l'évolution de l'humanité tout en maintenant une limitation de la concentration des pouvoirs.


Le citoyen devient défini comme à la fois un membre inaliénable du tout, mais aussi comme pouvant apporter sa pierre, en proportion de ses capacités, au tout auquel il se réfère. Il s'agit d'un équilibre à éprouver entre la reconnaissance de l'individu, son individualité et son égoïsme, et la reconnaissance de la communauté dans laquelle il se situe, faisant appel à son altruisme et sa quête de reconnaissance et donc de sa capacité à promouvoir le progrès social et communautaire. Il s'agit d'affirmer le citoyen par sa participation à la communauté, quelque soit la forme de sa participation.


Mais l'économie n'étant plus uniquement un fait de réalité, où l'industrie, l'agriculture et autres composants réels constitueraient la réalité de l'économie humaine, il faut également revoir le système financier en place, lui aussi étant source de concentration et de déshumanisation.


La Bourse et l'Humanité

Un système parallèle à l'économie réelle s'est construit au fil du temps, un temple de l'argent, du virtuel où l'humain n'est pas présent hormis sous forme de chiffres. La numérisation de tous les aspects de la société humaine est une volonté d'injecter un rationalisme permettant d'assurer une stabilité dans les capacités de profits. La nature humaine étant volatile, en apparence, elle conduit les possédants à introduire des règles algébriques assurant une vérité appréhendée plus facilement que la réalité. Mais comme il faut que l'accès à ce nouveau pouvoir soit limité, les règles mathématiques appliquées deviennent de plus en plus complexes, inaccessibles à la majorité des individus. Il est même pour eux réconfortant qu'il soit probable que personne n'en maîtrise fondamentalement l'intégralité de ses composantes, assurant ainsi une part du mystère nécessaire au profit.

Mais il est probable que cette part du mystère soit plus liée aux interactions avec la réalité de la vie, notamment les effets naturels non maîtrisable par l'humain, que par un paramètre de l'équation qui serait par nature chaotique. L'ordre est nécessaire au profit, à l'économie numérique ou virtuelle. La réalité est un frein naturel aux équations trop bien ficelées. A la différence des sciences expérimentales, la représentation mathématique de l'économie ne tend pas à expliquer le monde tel que nous le percevons, mais de le contraindre à rentrer dans un modèle créé pour être rentable et contrôlable. Bien sûr, les scientifiques ont quelques difficultés à faire évoluer leurs « saintes » équations, quittant la stabilité d'une croyance passée, tout comme les économistes avec leurs équations. Mais les économistes iront critiquer la réalité comme la cause de ce dérèglement, et non pas les équations comme étant une mauvaise représentation de la réalité. Tout au plus vont-ils améliorer le modèle économique pour s'approcher d'un modèle théoriquement réel, mais en prenant pour hypothèse des éléments totalement virtuels, comme la valeur de l'argent, de la dette ou du fonctionnement de la Bourse.


Sur le plan économique, la Bourse est un élément inventé par l'homme qui n'a selon moi plus aucune réalité. La Bourse que je peux comprendre et accepter, c'est celle où des investisseurs croient en l'avenir d'une solution, d'une entreprise ou de tout élément constitué à la base par un ensemble d'êtres humains. Cet investissement permet à ce groupe de financer des activités qui peuvent tendre à un progrès humain ou écologique. Mais pour que celui-ci soit efficace, cet investissement doit se faire dans la durée et non dans l'immédiateté. Hors, la Bourse d'aujourd'hui autorise l'achat et la revente d'entités (réelles, de biens, ou virtuelles, y compris d'entités issues de la Bourse elle-même) dans la même journée, même plusieurs fois par jour.


L'immédiateté des échanges financiers et des profits associés est selon moi un des éléments majeurs de la corruption du système financier. L'absence de la temporalité dans cette économie virtuelle ne peut que la dissocier de l'économie réelle et de la communauté qui l'abrite. Une plante, un animal ne naît pas du néant instantanément. Le temps est une composante indispensable à l'évolution, à la création. Il en va de même pour l'éducation, l'élévation des consciences humaines. A quoi servirait un savoir fourni en un instant à un individu si celui-ci n'a pas pu faire l'expérience de ses propres erreurs, par des tentatives multiples. Si l'inné peut éventuellement être considéré comme instantané, il n'en demeure pas moins que même celui-ci a besoin de temps pour s'exprimer. Quant à l'acquis, un savoir absorbé sans réflexion à son sujet, l'absence de conscience sur une connaissance peut tendre à un abrutissement encore bien supérieur à l'absence d'éducation. Le temps est un paramètre indissociable de la vie. Et pourtant, le modèle économique actuel tend vers une immédiateté de plus en plus effrénée, poussant également le modèle social vers cette voie, en passant par un consumérisme immédiat, un égoïsme béât (après moi le déluge) et une absence de réflexion sur l'avenir.


Il faut selon moi réintroduire la notion de temps dans notre économie, et par là même réintroduire la notion d'humanité (la vie) au sein de cette économie.


Je propose que toute acquisition entraîne une obligation de conserver ce qui a été acquis pour une durée minimale. Ceci devrait être vrai pour l'ensemble des composants de notre économie. Acheter une voiture, une maison, … devrait se faire avec une notion de temporalité intégrée, prendre en compte la permanence de l'objet concerné, comme une tentative de réguler la consommation dans une optique de durabilité. Aucune revente (ni abandon) ne serait autorisée avant ce délai. Si un élément externe rend caduque ce qui a été acheté, potentiellement de manière frauduleuse, la justice s'occupera de ce cas de figure pour analyser les causes, les effets, les torts et les réparations nécessaires.


Ce modèle devra s'appliquer y compris, et surtout au système boursier. Les actions, obligations, produits financiers de toutes sortes devront être conservés selon un délai minimum. Pour les produits liés au vivant, comme l'agriculture ou l'élevage, pourraient se voir limiter à une durée de 6 mois minium. Les produits liés à une entité (entreprise, association, …) devraient être limités avec une durée minimum de 2 ans. Les produits financiers (non attachés aux deux premiers éléments) devraient être limités à une durée minimum de 3 ans. Tout comme pour les autres éléments, tout problème lié à la disparition de ce qui a été acheté, pour des raisons de fraudes ou de causes extérieures, devrait être traité par le Justice et non par la Bourse en tant que tel.


De fait, l'acquisition de biens financiers deviendrait beaucoup moins intéressante, puisque agissant sur de longues périodes. La dérégulation boursière et financière induite par l'immédiateté des transactions serait alors cassée. Réintroduire un délai, ce serait réintroduire l'humain au sein du système financier. Dans ces conditions, l'humain reprend le contrôle sur l'argent. L'argent redevient un outil d'échange entre les hommes, et non plus un objectif en soi, le temps rendant caduque les calculs savants de bénéfices à court terme. Les bénéfices à moyen terme (2 à 3 ans) tendent à l'amélioration de la communauté, car l'intérêt des bénéfices devient alors concomitant de l'intérêt des entités concernées. Le bénéfice n'étant plus dissociable de la durée à laquelle il est associé, il intègre de fait l'humanité, et même au-delà la vie ou l'environnement en général.


Je proposerais bien également d'aller jusqu'à supprimer en bourse tout ce qui n'a pas d'existence réelle, hormis des projets humains en devenir (équipes de recherche, œuvres artistiques en devenir, …). Ainsi il n'y aurait plus d'actions basées uniquement sur la finance, plus de systèmes basés sur l'argent créant l'argent. Je ne sais si ceci est réaliste. Mais tout au moins je pense que ces règles temporelles tendront à en diminuer les effets néfastes, notamment une diminution de cette progression exponentielle de l'économie virtuelle pour se rapprocher d'un modèle plus géométrique et donc plus supportable par l'environnement, et par là même, pour l'humanité.


L'autre composante est la nature de vie à crédit de l'ensemble des systèmes humains actuels. Ce système est absurde car il s'appuie sur une notion de croissance permanente, mais qui, loin de devoir être linéaire, est en fait exponentielle, et ne peut donc aboutir qu'à la catastrophe. La notion de crédit ne devrait pas être privée, mais elle devrait être étatique, car c'est du pouvoir des peuples que vient la valeur de l'argent. L'argent n'a pas d'autres valeurs que celles des humains qui peuvent l'utiliser. Dit autrement, le système bancaire privé est un système où les intérêts sont contradictoires avec les intérêts des peuples. Les États vivent à crédits, auprès des banques. L'argent y est créé de manière arbitraire sur la base... d'argent n'existant pas, et ce malgré les règles de limitations du droit au prêt en fonction d'une fond privé monétaire initiale, lui même étant alimenté à son tour par cet argent créé, et donc conduisant à une spirale de la création d'argent totalement exponentielle.


Hors le seul lien entre l'argent et la vie réelle est aujourd'hui la capacité à un peuple à rembourser les crédits (privés ou nationaux) auprès des banques (elles privées).

Je pense que là aussi la notion de « bon vouloir » doit s'appliquer et produire un système étatique de prêt, fonction d'analyse sur la base de l'intérêt général et/ou particulier, selon les mêmes critères que ceux que j'ai énoncés auparavant. La notion de taux d'intérêt (injustifiable car elle présuppose que l'argent à une valeur intrinsèquement variable) serait alors remplacée par la notion de frais de fonctionnement (parfaitement justifiable car découlant d'une activité humaine), d'un montant fixe et pré-calculé. La puissance publique disposant seule de la capacité à produire cet argent et à le valider auprès de ses concitoyens, il n'y aurait alors plus de spirales sans fin. Le contrôle de la valeur argent serait à nouveau dans les mains de la communauté, basée sur l'activité humaine ou les capacités de production dans un système où le temps fait parti intégrante de la réflexion. Une production en capacité importante mais limitée dans le temps (par épuisement des ressources par exemple) n'aurait plus ainsi cette valeur virtuelle sans limite car intrinsèquement elle se limiterait par ses capacités futures de production et ses impacts sur le système l'environnant (qu'il soit humain ou environnemental).


Le puissance publique qui plus est pourrait agir sur l'économie en injectant de l'argent sous la forme de grands travaux ou de rénovations du territoire, ou encore sur des projets environnementaux couvrant des intérêts à moyens voire longs termes.


L'humanité et son environnement

Le modèle économique actuel, dans l'immédiateté, ne peut concevoir l'environnement comme une entité finie et périssable. Elle n'entre même pas dans les équations, hormis sur la base de risques de pénuries et donc d'augmentation des courts boursiers, par le jeu de l'offre et de la demande.


Le modèle actuel considère la planète (l'environnement de manière général) comme une quantité infinie et aux ressources exponentielles. Les seules limites seraient celles de la capacité d'extraction des matières premières en fonction des techniques connues de l'époque. Hors nous savons aujourd'hui qu'il n'en est rien. L'environnement a ses limites, sa stabilité. Bouger cet équilibre et le système naturel va tenter de rétablir un nouvel équilibre sur la base de nouvelles hypothèses. L'une d'elles pourrait bien être la disparition de l'humanité.


Une économie, basée sur un fonctionnement communautaire où le « bon vouloir » préside à son fonctionnement, prenant en compte les défauts et les qualités humaines, par un jeu d'équilibre des forces constructives et destructrices de l'humanité, par un pragmatisme teinté de philosophie, par la prise en compte de la notion du temps dans la gestion de son espace, cette économie devrait prendre en compte de manière efficace et raisonnée les problèmes environnementaux.


La nature ne serait plus vue comme un frein à la vie de l'homme, mais comme un « partenaire » à sa survie et même à son évolution. Le temps réintroduisant l'homme au cœur de son système communautaire, réintroduit également l'environnement, lui même fonctionnant sur la base du temps.


Qu'on ne se méprenne pas, je ne suis pas de ces hommes qui pensent qu'il ne faut pas tuer des animaux pour se nourrir ou s'habiller, ou alors pourquoi s'arrêter aux animaux. Les plantes sont également une forme de vie, très évoluée. Mais les plantes, à notre échelle, ne sont pas sensibles selon nos critères humains. Non, le végétal et l'animal n'ont aucune différence à mes yeux. S'il faut préserver la faune et la flore, il n'en demeure pas moins que tout espèce a besoin de nourriture. Il faut donc trouver un équilibre acceptable, dans le temps, entre les besoins humains et la stabilité du système planétaire assurant l'hébergement de l'humanité.


Aucun excès dans un sens ou dans l'autre n'est souhaitable. La recherche du compromis, du consensus me semble la meilleure façon de procéder. Voilà encore une fois réaffirmé selon moi le principe fondamental de la « bonne volonté ».




L'avenir

Ainsi, ces ensembles réunis, tant au niveau du pouvoir politique indispensable, qu'au niveau des entreprises de manière équivalente, devraient induire selon moi un équilibre d'une part des forces, mais également de réintroduire la valeur humaine au sein de toute décision, et par là même par extension les valeurs connexes chères à l'humanité comme l'environnement, le partage, l'altruisme. Sans être un idéaliste forcené, je pense qu'une juste réappropriation des objectifs vers l'humain, un juste équilibre de la prise de décision avec les exécutants de ces décisions peut constituer un modèle viable sociologique et économique. Sans doute faudrait il approfondir ces principes, les confronter d'une part à des modèles philosophiques et psychologiques, mais également des modèles sociologiques et économiques ayant existé ou pouvant être imaginés.


Il faudrait déterminer comment passer du modèle dominant actuel à ce modèle, en limitant autant que possible les effets néfastes sur les populations, ainsi que sur l'environnement. En quelque sorte, déterminer une forme d'évolution de la société plutôt qu'un modèle révolutionnaire. La violence engendre la violence et ne permet pas toujours de régler les problèmes, même si il est vrai qu'elle permet parfois de rénover fondamentalement les règles de vie. Mais je ne souhaite pas une vision guerrière de la révolution, mais une vision plus sereine et acceptée d'une évolution. En quelque sorte, il s'agit selon moi de trouver dans le principe même du « bon vouloir » le moyen d'atteindre cette organisation, cette société réintroduisant l'humain en son cœur.

Il serait un comble en effet que pour améliorer la prise en compte de l'humain, pour que ceci se passe plus vite, on en soit réduit à oublier d'une part l'humain (par le meurtre, l'asservissement, l'emprisonnement ou tout autre forme de soumission) et d'autre part le paramètre temps, indispensable à son bon fonctionnement (par une volonté d'accélérer le processus). Un principe qui serait que quelques sacrifices seraient nécessaires pour le bien du plus grand nombre me semble par nature insupportable. Le compromis, l'échange et la concertation en s'accordant le temps sont pour moi les éléments fondamentaux qui permettraient la mise en place de ce modèle sereinement et pour longtemps, accepté par tous par l'exemple et par l'éducation.


L'éducation me semble indispensable, comme je l'ai déjà indiqué, s'attachant à permettre à chacun de développer ses capacités propres, à apporter sa pierre à l'édifice. L'exemple devrait permettre, avec l'expérimentation, d'affiner le modèle, d'en définir précisément ses règles et les contre pouvoirs, ainsi que d'en observer les effets bénéfiques pour la communauté ainsi concernée. Il devrait également d'affiner les risques et les défauts de cette première approche. L'évolution doit faire parti du modèle.


Un modèle n'évoluant plus est un modèle voué à la mort, si ce n'est déjà éteint. Il faut donc autoriser les essais et les erreurs, afin de parvenir aussi aux réussites et donc au bienfaits généralisés de cette approche.


Attention également à ne pas croire en une morale absolue, qui transcenderait le temps (conduisant à une absence d'évolution et donc à la mort) ou l'espace (l'histoire locale, les contraintes locales, notamment écologiques, sont des éléments structurants pouvant limiter la portée d'une vision généraliste). La morale doit être personnelle, si elle existe. Elle doit être le moteur de sa volonté, dans le respect de ses propres désirs et besoins. Une morale ne doit pas être « contre » la vie, dans le refus du corps et de ses besoins, ni dans le refus de l'esprit et de ses aspirations. Cela ne veut pas dire non plus accepter que les instincts les plus primaires s'expriment sans limite, car cela contredirait également la notion de « bon » pour la communauté et pour soi. Il s'agit d'accepter son animalité, ses envies, ses désirs et de les utiliser comme un moteur de vie, dans le cadre du « bon vouloir », dans une vie impliquée dans la communauté, réduisant certes la liberté absolue mais lui permettant aussi de s'exprimer naturellement sans danger.

La liberté absolue naturelle n'existe selon moi pas dans la réalité, que ce soit celle des humains ou des animaux. Les limites naturelles se dressent partout autour de nous pour la cadrer au sein du système global (écologique notamment). L'humain sait dépasser ses limites naturelles par sa connaissance, sa technologie, mais il n'est pas en mesure de dépasser néanmoins les limites naturelles absolues (l'absence d'infini). Un fonctionnement conservant en tête l'humain et la temporalité (et donc l'ensemble du système vivant autour de lui, y compris la communauté humaine) devrait permettre de concilier cette liberté avec le pragmatisme nécessaire au maintient de ce système où l'humanité existe.


Mais pour moi il ne fait aucun doute que de continuer à perdre le sens humain dans nos édifices toujours plus complexes, d'exclure l'humain de tous nos systèmes, de perdre la notion de temps et de réalité dans notre système économique, tout ceci ne peut conduire qu'à la destruction totale de notre espèce. Je ne sais pas quelle sera la méthode à employer, la nature des réflexions ou des expérimentations à mener. Mais je ressens comme indispensable d'avancer, d'évoluer. J'ai beau croire en l'humanité, il ne me suffit plus d'y croire béatement en regardant vers l'avenir, confiant de manière abusive.