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B.Francomme

 

LES NOCES DE TANTALE

Les Noces de Tantale, c’est l’histoire d’une erreur. Souvent on a la senstation d’avoir été expulsé de l’enfance, et d’être condamné à longer ses grilles infranchissables, même quand les odeurs semblent devoir vous les faire franchir. Là il ne s’agit plus de l’enfance.

Comment se fait-il que nous soyons hommes ou femmes ? Hasard ? Peu importe.

Les noces de Tantale, c’est l’histoire de l’impossible homosexualité féminine…d’un homme.

Je ne sais pas quand cela a commencé. D’aussi loin que je me souvienne, sans me sentir « fille », je ne me suis jamais senti « garçon ». J’ai imité leurs comportements pour être des leurs. Je n’ai jamais pu avoir de « passion de garçon » dans le genre monomaniaque. Je n’ai jamais cru au sérieux des choses, j’ai fait semblant d’y croire, non comme un esprit supérieur mais comme un esprit défaillant, avec toute la culpabilité que cela suppose.

D’abord, je me suis détesté et j’avais peu de succès. Plus tard, j’ai laissé ma nature s’exprimer et mes rapports avec les femmes se sont très nettement améliorés. J’en ai usé et abusé, mais  j’ai aperçu le fond de l’impasse. Peu à peu j’ai compris que je pourrais conquérir toutes les femmes de la terre, il me manquerait toujours celle que je ne suis pas.»

Refusant le bistouri et les hormones qui feraient de moi une femme au rabais, j’ai décidé de vivre avec cette mélancolie. Et je longe un très long grillage qui me sépare irrémédiablement d’elles entre elles.

 

 

Les noces de tantale

Quelle émouvante erreur

Serai-je donc un jour

Elle, près d’elle

De me sentir si près et pourtant hors d’atteinte

Je maudis le hasard

Ce corps infâme aux jambes entravées

Ce corps infemme loin de la vérité

Je le renie

Une pitoyable farce

Un bal interminable

Le masque qui me brûle va t-il enfin tomber

Et libérer les lignes

D’un nouvel horizon

Pour mes formes contraintes en cachots si grotesques ?

Tout cela n’est pourtant qu’inutile fureur

La nature s’entête, si grande soit son erreur

Les plus petits espoirs s’écoulent entre mes doigts

S’échappent de mes mains et s’éloignent de moi

Une douleur, douce, et lente

M’accompagne

Et je vous imagine

Tendrement enlacées

Vous chuchotant des gestes aux courses infinies

Longeant les pentes abruptes, lumineuses ou obcures

Enivrant abandon, comme une lassitude

L’amour, quand vous parlez de vous, est si beau

Que chaque promenade est un ballet secret

La main hésite un peu

Le bras recouvre enfin

L’épaule, comme une aile repliée

La tête, contre une tête, s’incline

Au détour d’une rue

Le baiser

La pression qui caresse

La passion se confesse

En un regard

Que je ne peux croiser

 

 

Les noces de tantale – Reprise

Le jour s’est obscurci

L’ombre a gagné mes yeux

Je m’abandonne, j’oublie

La lumière, reparaît

Différente

Et les espoirs défilent

Les heures sont des secondes

J’avais bien dit qu’on se retrouverait

Même si chaque matin est une chute plus cruelle

La lumière a changé

Les heures ont-elles passé

Un sursaut m’a brûlé

Mais ma tête, retombe

Etrange

Il fait si chaud ce soir

Je ne sais plus

Où je suis

La nuit nous souffle un vent si tiède

Le sol s’est comme évaporé

Retombant en orage

Et peu à peu Venise a envahi Paris

Recouvrant les pavés, leurs reflets de néons

Bariolés

Les rouges contrastés

De bouches l’une à l’autre

Données

Se mèlent

La silhouette noire de nos yeux comme absents

Disparaît elle aussi

Comme l’averse

Suspendue

La blanche lumière ne brille

Sur l’avenue trempée

Que pour deux mains serrées

Et des talons qui claquent

Dansent ou s’arrêtent

Aux vitrines figées

Puis un porche ombragé

Nos corps qui roulent enfin

En un rire essoufflé

Dès la porte fermée

Aux premières notes jouées

Des amours interdites

Et des silences

Plus tard

Immobiles

En attendant le jour

L’une contre l’autre

Penchées

 

 

Les noces de tantale – épilogue

Mon regard croise au loin mon regard dans la glace

De bas en haut mes yeus détaillent les contours

D’un corps infâme et lourd, aux lignes sans détours

Sans grâce et sans lissé, parmi les gens qui passent

Et ignorent l’attitude qui me manque cà ou là

Inaccessibles gestes aux angle féminins

Des mains ou de la nuque, se défait les cheveux

Au vent relève un col, le temps est incertain

Lisse un collant luisant, aux chevilles, comme un jeu

Décolleté imprévu, juste un sourire surpris…

Aussi loin que me mènent mes espoirs d’outre-dame

Celle qui dans mes yeux regarderait ses yeux

Ne s’offrirait au plus qu’une moitié de feu

Mais jamais dans l’iris le reflet d’une femme

Et la fin des amours aux élans incomplets

Comme l’oiseau s’éloigne d’une branche incertaine

J’ai détourné les yeux du miroir insensible

Je poursuis le chemin qui sillonne ma peine

Seul avec mon secret, comme un monstre invisible