B.Francomme
LES NOCES DE TANTALE
Les noces de tantale Quelle émouvante erreur Serai-je donc un jour Elle, près d’elle De me sentir si près et pourtant hors d’atteinte Je maudis le hasard Ce corps infâme aux jambes entravées Ce corps infemme loin de la vérité Je le renie Une pitoyable farce Un bal interminable Le masque qui me brûle va t-il enfin tomber Et libérer les lignes D’un nouvel horizon Pour mes formes contraintes en cachots si grotesques ? Tout cela n’est pourtant qu’inutile fureur La nature s’entête, si grande soit son erreur Les plus petits espoirs s’écoulent entre mes doigts S’échappent de mes mains et s’éloignent de moi Une douleur, douce, et lente M’accompagne Et je vous imagine Tendrement enlacées Vous chuchotant des gestes aux courses infinies Longeant les pentes abruptes, lumineuses ou obcures Enivrant abandon, comme une lassitude L’amour, quand vous parlez de vous, est si beau Que chaque promenade est un ballet secret La main hésite un peu Le bras recouvre enfin L’épaule, comme une aile repliée La tête, contre une tête, s’incline Au détour d’une rue Le baiser La pression qui caresse La passion se confesse En un regard Que je ne peux croiser
Les noces de tantale – RepriseLe jour s’est obscurci L’ombre a gagné mes yeux Je m’abandonne, j’oublie La lumière, reparaît Différente Et les espoirs défilent Les heures sont des secondes J’avais bien dit qu’on se retrouverait Même si chaque matin est une chute plus cruelle La lumière a changé Les heures ont-elles passé Un sursaut m’a brûlé Mais ma tête, retombe Etrange Il fait si chaud ce soir Je ne sais plus Où je suis La nuit nous souffle un vent si tiède Le sol s’est comme évaporé Retombant en orage Et peu à peu Venise a envahi Paris Recouvrant les pavés, leurs reflets de néons Bariolés Les rouges contrastés De bouches l’une à l’autre Données Se mèlent La silhouette noire de nos yeux comme absents Disparaît elle aussi Comme l’averse Suspendue La blanche lumière ne brille Sur l’avenue trempée Que pour deux mains serrées Et des talons qui claquent Dansent ou s’arrêtent Aux vitrines figées Puis un porche ombragé Nos corps qui roulent enfin En un rire essoufflé Dès la porte fermée Aux premières notes jouées Des amours interdites Et des silences Plus tard Immobiles En attendant le jour L’une contre l’autre Penchées
Les noces de tantale – épilogueMon regard croise au loin mon regard dans la glace De bas en haut mes yeus détaillent les contours D’un corps infâme et lourd, aux lignes sans détours Sans grâce et sans lissé, parmi les gens qui passent Et ignorent l’attitude qui me manque cà ou là Inaccessibles gestes aux angle féminins Des mains ou de la nuque, se défait les cheveux Au vent relève un col, le temps est incertain Lisse un collant luisant, aux chevilles, comme un jeu Décolleté imprévu, juste un sourire surpris… Aussi loin que me mènent mes espoirs d’outre-dame Celle qui dans mes yeux regarderait ses yeux Ne s’offrirait au plus qu’une moitié de feu Mais jamais dans l’iris le reflet d’une femme Et la fin des amours aux élans incomplets Comme l’oiseau s’éloigne d’une branche incertaine J’ai détourné les yeux du miroir insensible Je poursuis le chemin qui sillonne ma peine Seul avec mon secret, comme un monstre invisible
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